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3Ô2 où, sous son bâton de commandement, il fit mouvoir un for- midable orchestre. Ces concerts eurent une certaine vogue. La salle était toujours comble.—Il est vrai que les spectacles sont toujours suivis, lorsqu'ils ne coûtent rien.—Puis, les exécutants fort nombreux eux-mêmes, amenaient à leur suite parents et amis. Néanmoins, ces concerts eurent lieu avec une réelle so- lennité. L'exécution était loin d'être irréprochable, le bruit y remplaçait souvent l'exactitude; sans être exigeant, il eût été permis de désirer un respect plus habituel des intentions musicales, et un peu plus de souci de la précision et de la justesse. Mais, en somme, l'orchestre arrivait au bout sans trop d'encombre, et c'est encore quelque chose, quand on se trouve en face de la symphonie pastorale ou de la symphonie en ut mineur. Dans ces concerts, la musique de chant prit aussi plus d'extension. Guérin se donnait une peine inouïe pour déter- rer des chanteurs; là , débutèrent MIIe D...., Mme S dont il avait inventé la voix et le talent. Combien d'autres dont le nom m'est inconnu qui lui durent la révélation d'une voix et les premiers éléments de la science! Dominé par cette idéefixede prosélytisme musical, il ressemblait un peu à Geor- ges Dandin voulant toujours juger. Les concerts de la Loterie furent la grande époque de la carrière musicale du père Guérin. Avec eux expira, sinon l'ardeur du saint homme, du moins son activité militante. 11 rêve encore ces temps-là , comme les grands souvenirs d'une gloire passée, et en présence des illustrations plus jeunes, qui, venues depuis, ont profité de ses longs et pénibles efforts, il n'accuse pas l'injustice du sort. Délaissé et enseveli dans sa modeste obscurité, il se réjouit des progrès accomplis, heu- reux d'y avoir mis la main, et il continue son œuvre d'ini- tiation patiente et laborieuse, sans s'inquiéter de l'ingrati- tude ou du caprice de la renommée. LE GENTILHOMME.