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   C'est ainsi que, peu de temps après son arrivée, il eut
un matin la visite de la femme d'un ouvrier, qui lui de-
manda l'aumône.—De l'argent, je n'en ai pas, lui dit De
Loy.—Eh bien! Monsieur, par charité, quelques nippes!
—Des nippes, volontiers.—Un habit?—Je n'en ai qu'un.
— Des pantalons? — J'en ai deux, en voilà un. — Ce
pantalon, mon bon Monsieur, est bien mauvais, observa
l'indigente. Il ne garantira pas mon mari du froid. —
C'est vrai, pauvre femme, attendez.... De Loy quitte son
bon pantalon, le cède à la mendiante et reste avec celui
qu'elle avait trouvé hors de service.
   Nous ne citons ici que ce trait sur une foule d'autres
du même genre, où le désintéressement de De Loy, sa
bonté, sa charité dégénéraient en un oubli complet de lui-
même ; enfin, où le moi, qui, dit-on, est le pire des maî-
tres, n'avait pas d'empire sur lui. La comptabilité d'un
journal aurait, comme on le voit, couru de grands ris-
ques entre ses mains.
    Aussi f isolait-on de tout ce qui était calcul. On le lais-
sait à sa rédaction pour laquelle encore avait-on garde
de le gêner, afin de ne pas trop effaroucher cet esprit
d'indépendance dont on craignait toujours les suites.
    De Loy, admis dans les meilleures sociétés, y conservait
le rang que lui assignait son mérite. Il y était fort bien.
A une lieue de Saint-Etienne, au château de Longiron,
une réunion choisie de littérateurs modestes et de femmes
 aimables accueillait son poète avec autant d'amitié que
 de plaisir. Là, dans ce lieu, de vastes et profondes soli-
 tudes, des ombrages à chaque pas, le silence et le mur-
 mure de la forêt et du ruisseau voisin, des monts comme
 dans le Jura, des vallées comme dans les Vosges, un petit
 village, son église, son cimetière, un pasteur à cheveux
 blancs, tels étaient les tableaux que lui offrait Longiron,
 cet asile d'abeille , cet éden de poète
    C'est là, c'est dans ce lieu qui lui rendait vivant son
 poème des Plaisirs d'un ami de la campagne et des muses,
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