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250 c e s ; la compagne nouvelle dont il fit choix, naturellement jalouse et impérieuse, ne put souffrir long-temps devant ses yeux les enfants d'une autre épouse ; elle exigea leur expul- sion de cet homme trop faible pour lui résister. Le jeune Charles, doté de trois écus pour subvenir à ses premiers b e - soins, fut brutalement chassé du toit qui l'avait vu naître; il n'avait pourtant pas alors encore dix ans! il se rendit à Pa- ris chez une des amies de sa mère et fut assez heureux pour retrouver près d'elle toute la lendrese dont son père le déshéritait ; elle ne négligea rien pour son instruction : de son côté^ il se montra digne des soins dont il était l'ob- jet ; on le voyait, au sortir de l'école, répétant les vers latins dont il avait dû meubler sa mémoire, ou charbonnant les murs pour y retracer les calculs qui avaient fait le fonds de la leçon de mathématiques. Ses progrès dans cette dernière science furent si r a p i d e s , qu'à treize ans il put tenir la place du professeur, pendant toute la durée d'une maladie de celui-ci. Il devait être curieux d'entendre ce jeune sup- pléant, forcé par l'exiguité de sa taille de monter sur une chaise pour être vu de ses auditeurs, et néanmoins com- mandant leur attention par l'ascendant de ses talents. A dix-huit ans il ouvrit un cours de physique, et depuis cette époque^ il enseigna publiquement cette science. Un événement douloureux vint, peu de temps après, met- tre sa sensibilité à une épreuve cruelle : la mort lui e n - leva sa bienfaitrice. Malgré l'isolement dans lequel le lais- sait cette perle, rien ne semblait devoir l'éloigner de la ca- pitale, où peut-être un avenir plus brillant encore lui était réservé , lorsqu'il entreprit en 1753 un voyage à Lyon. Son séjour dans cette ville devait être de huit jours seulement ; une circonstance heureuse l'y retint pour le reste de sa vie. Il avait rencontré dans Madame V e Maynard un nou- vel ange tutélaire ; il avait retrouvé près d'elle ces soins généreux dont les savants, les hommes de lettres et les artistes ordinairement oublieux des intérêts matériels, sen-