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227 L'ange qui guide le poète dans la route de l'éternité reçoit de l'Archange Michel un ordre qui d'abord le trouble et l'in- timide ; il faut annoncer à Satan que les habitants des enfers sont convoqués pour le jour suprême, celui où doit être scellé tout le passé. Ici donc va s'ouvrir le royaume de deuil et se continuer cet étrange voyage. Le poète, au sortir des cieux, visite avec émotion les Limbes, la demeure des enfants morts sans baptême, puis il traverse les flammes du purgatoire, prêle l'oreille à la voix de ces milliers d'ames bénissant le Dieu qui châtie et qui pardonne, Inclusas animas, superumque ad lumen ituras Luslrabat studio recolens(l), et pénètre dans les enfers, dont il décrit l'aspect et dont il énumère les horribles tourments. L'ange conducteur an- nonce alors à Satan que celui qui foudroya sa tête le somme de paraître avec ses damnés aux champs de Josaphat, où le Seigneur doit fixer la destinée des bons et des méchants. Cet ordre réveille une sombre colère qui s'exhale en blasphèmes et en imprécations ; mais il faut obéir, et bientôt les mal- heureux sujets de Lucifer s'acheminent en longues et lamen- tables phalanges vers le fatal rendez-vous. Ils passent là sous les yeux du poète qui aperçoit tour à tour les avares, les mar- chands enrichis par l'usure et par la fraude^ les prêtres rené- gats^ les athées, les écrivains que l'on vit prostituer leur plume et calculer sur la corruption ; les faux tribuns qui dé- guisaient leur avidité et leur orgueil sous le voile de l'amour du peuple et des communes libertés ; les guerriers qui n'eu- rent d'autre justice envers les nations que la féroce loi du glaive ; les voleurs de couronnes et les mauvais princes, Qui, salissant leur pourpre à des plaisirs abjects, Avaient régné pour eux et non pour leurs sujets ; De la rébellion justifié l'audace, Et fait blasphémer Dieu dont ils tenaient la place; (1) Mn. VI.