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228 Malheureux, qui jamais ne regardaient la Croix Pour savoir à quel prix Dieu les avait faits rois. 11 voit passer les envieux, les magistrats sordides et prévari- cateurs, les meurtriers de leurs frères, les suicides qui, après en avoir fini avec les joies de la vie^ voulurent en finir avec la vie même, et cherchèrent le néant dans un coup de poi- gnard. Le poète flétrit d'un vers énergique ces comédiens funèbres Qui, dans l'ardente soif de se rendre célèbres, Se drapant dans la mort et posant au cercueil, Se sont offerts en proie à leur farouche orgueil. Leur triste vanité prête encore l'ouïe Au bruit que leur trépas laissa dans l'autre vie ; Mais leur front accablé retombe sur leur sein, Car ils n'ont entendu que silence et dédain, Tant la tombe, jetant l'insulte à la morale, Est maintenant sur terre une chose banale ! Enfin, les enfers se vident^ et le poète ne contemple à tra- vers leur désolante immensité que des flammes oisives qui réclament leur aliment. Une fois qu'il a visité le sombre empire de Satan, notre poète met un terme à son mystérieux pèlerinage, et se re- trouve parmi les enfants des hommes, mais c'est le dernier jour qui doive les éclairer. Son guide céleste s'assied au bord de l'Océan, le front douloureusement penché, et soupire de tristes adieux à sa planète, puis., il remonte en haut, laisse le poète flotter dans les vastes espaces de l'Ether, d'où il con- temple les mondes à leur agonie, surtout sa ville natale, et cette grande cité, reine des esprits^ reine des peuples, mai? sur laquelle un ange fait retentir la malédiction de Dieu, par- ce qu'elle fut l'habile et assidue corruptrice des autres cités. Le poète voit ainsi défiler ce morne cortège des empires et des nations, qui s'abîment en une dernière et universelle or- gie. Seulement, il existe dans un heureux coin du monde, sous l'oeil d'un vieillard, une vierge et un jeune homme, qui