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m mais en indiquant sa véritable place et son rôle dans l'en- semble. C'est par là que la critique de nos jours s'élève au dessus de la vieille critique. Les deux siècles derniers com- prirent mal l'unité des littératures qui fut néanmoins leur constante préoccupation. Ils ne s'en formèrent l'idée qu'à l'aide du retranchement et de l'exclusion ; ils remettaient toutes les œuvres qui dépassaient le niveau consacré ; celles qui étaient admises, ils les rangeaient arbitrairement, côte à côte, sans tenir compte de leurs diversités natives ; ils en mutilaient l'esprit pour les faire rentrer dans un moule préconçu. Nul ne songeait alors que chaque pensée, que chaque forme est fille de son temps et de son lieu. On jugeait l'Iliade, l'Enéide, la Jérusalem, le Cid, Àthalie, comme des productions contempo- raines les unes des autres. Dans les intelligences de cette époque, la grande figure du poète antique se montrait sous les proportions de l'homme de lettres ; le vieil Homère quoi- qu'il garda sa lyre par métaphore, fut sans nul doute, pour les disciples de Boileau, un rimeur studieux, resté pauvre par- ce qu'il n'avait pas obtenu de pension sur la cassette d'un grand roi. La philosophie de M. Quinet a le sens de l'histoire, elle as- signe à chaque œuvre sa place naturelle sur le globe et dans l'humanité; ce mérite la rend surtout précieuse dans un pays comme le nôtre où l'antiquité a été si défigurée par les imita- teurs, et les littératures étrangères si tardivement étudiées et si mal comprises. Il y a peu d'années que le génie français est descendu, pour la première fois, dans les mines fécondes de l'Allemagne, et, depuis le livre de Mmede Staël, nous avions bien des progrès à faire dans la connaissance de ce monde germanique, terre luxuriante justement appelée l'Inde euro- péenne. M. Quinet nous paraît spécialement propre à faire comprendre l'Allemagne par la France, comme aussi à recti- fier bien des idées fausses que nourrissent sur notre compte nos voisins d'Outre-Rhin. On ne peut s'empêcher de recon- naître à l'auteur (YAhasvérus une certaine parenté avec l'esprit