page suivante »
239 Dans cette place intime où saignent nos douleurs ! De passé, d'avenir, ses jours pleins s'environnent Et l'exil est pour lui ce vallon que couronnent L'Àlphée et le Ladon d'un double bord de fleurs ! Que de fois j'ai douté, suspendant la balance Entre le mal réel et l'auguste espérance , Que de fois j'ai douté , si je devais aux cieux , Guidé par mes désirs prendre un essor sublime , Ou bien, comme Manfred, au milieu de l'abîme M'élancer en fermant les yeux. El j'abordais alors ces sages qu'on nous vante ; Je me disais ; peut-être en leur atoe savante Luit le mot du problême à nos yeux dérobé. J'approchais, attentif à leur parole sainte..; Cette parole, hélas ! ce n'était que la plainte D'un roseau par le vent courbé. Puis, j'allais aux guerriers qu'élève la victoire , Qui brisent de leur nom les clairons de la gloire, Et comptent leurs soleils par les prix des tournois ; Et ma voix leur criait: géants de cent coudées, L'objet qui fuit mes vceux et trompe mes idées Le voyez-vous de vos pavois ? -Un soufle secouait l'idole triomphale !... Ils tombaient, maudissant leur chute colossale; Et près d'eux leur trophée insultait à leurs yeux; Tel Icare expirant au sein des mers cruelles, Voyait, comme un défi, la plume de ses ailes Loin de lui flotter sous les cieux. « Si nous n'écoutions que notre p r o p r e p e n c h a n t , nous prolongerions notre citation ; mais voici déjà beaucoup de vers, et la poésie est un mets qui paraît fade à beaucoup de lecteurs ; comme le rat de la fable , ils n'y touchent qu'avec dédain, dente superbo; soyons donc discrels, c'est le plus sûr moyen de n'être pas importun. A. M.