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    JUYÉNILIA, poésie par M. Charles   CHANCEL,   avec une Préface
                       par M. Anatole PISTON.

   Quoiqu'en dise la préface de ce livre, un titre ne contribue
guère au succès. Nous en aurions préféré un plus simple pour
l'œuvre de M. Chancel, qui pouvait se passer de cet innocent
charlatanisme, d'ailleurs un peu suranné. L'auteur de cette
préface déplore le sort des poètes, et accuse notre époque
d'être âpre et rude aux talents qui s'élèvent. Reprochez-lui
plutôt de sourire trop complaisamment à toutes les vani-
tés , à toutes les ambitions, à toutes les fantaisies de gloire ;
depuis que les avenues littéraires offrent une pente si douce
et si facile, tout ce qui s'est cru doué de facultés inventives
ou intelligentes s'est rué avec fureur dans le champ de la
pensée et de la poésie, parce qu'on a quelque facilité, quel-
que grâce, quelque sentiment des choses nobles et poéti-
ques , on se croit né poète ; en cédant à un caprice, on croit
obéir à son destin ; mais les branches qui de loin semblaient
s'abaisser sur notre front pour nous offrir leurs fleurs et leurs
fruits, se relèvent brusquement à notre approche; les sen-
tiers, qui nous avaient paru si mollement inclinés, deviennent
escarpés et glissants ; les mains amies qui nous invitaient se
retirent; l'avenir nous trahit, et la gloire nous échappe! C'est
alors que nous jetons à la vie un cri de désespoir et de ma-
lédiction , nous insultons à notre époque, nous flétrissons
 notre siècle ingrat et sans cœur. Hélas! à ceux qui pleurent
et qui blasphèment, le génie seul a manqué ! Que la critique
soit donc sévère aux jeunes talents qui s'essaient ; ne sou-
 riez point à la faiblesse, n'invitez point la médiocrité par
des caresses menteuses; mais au vrai mérite, toujours timide
 et modeste, tendez une main amie, et ménagez le vent au
 duvet de ses aîles naissantes.
 Nodier a dit quelque part: « La critique a de beaux mo-
ments ; c'est quand elle peut louer en sûreté de conscience. »