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340 Je ne m'appliquerai pas à suivre les Juifs au travers des sinistres années qui séparèrent le trône du t r ô n e , la royauté de l'empire. Les souvenirs de ce sommeil oppressé et fiévreux de la France sont indépendants de mon sujet ; le catholi- cisme, le protestantisme et le judaïsme n'eurent plus de nom en France ; tous les autels furent foulés pêle-mêle sous le char de la révolution. La France ne distingua plus que des partis politiques , tous vinrent lui payer des tributs humains, et la raison dévora toutes les têtes qui lui furent jetées, sans se demander dans quels temples elles s'étaient inclinées. La confusion dans le carnage rapprocha les partis et les croyan- ces; elle les fit s'appuyer, se resserrer e n s e m b l e ; elle fit taire les haines dans un intérêt commun^ et sur des cadavres frappés au hasard dans tous les camps , les hommes sentant leur faiblesse p r o p r e , conclurent ce pacte de charité fra- ternelle que la corruption et le bonheur prolongé de quel- ques-uns avaient retranché de l'Evangile. C'est pour cela que la Révolution roulant bien des ruines , renversant de bien saintes institutions, porte cependant un caractère de sociabilité avancée, car elle entraîna de nombreux abus, applanit les différences conventionnelles élevées par l'habitude du vice, et replaça la société française dans ce niveau d'égalité ration- nelle méconnu trop long-temps et trop vite oublié. La crise de 89 peut être comparée à une flamme descendue du ciel, selon les u n s , sortie de l'enfer, selon les a u t r e s ; toujours est-il qu'en ravageant , elle purifia. L'Empire et la Restauration respectèrent la liberté de conscience, acquise aux Juifs p a r l a tourmente de dix années, et sur tous les points de la F r a n c e , les synagogues s'ouvri- rent; Lyon eut la sienne ; bientôt j'en parlerai. Cependant les pouvoirs r é g n a n t s , reconnaissant le culte catholique reli- gion de l'Etat, établirent en sa faveur une différence avan- tageuse , et prirent sur le trésor public un traitement pour les membres du clergé. Cette institution reposait sur un prin- cipe juste, puisqu'elle n'était que la compensation et l'acquit