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146 de création complète, point d'œuvre qui vienne frapper celte corde sonore qui est en nous, point de véritable interprêle de cette mystérieuse puissance qui, en définitive, est la vie du cœur en peinture. Bien des gens vous diront qu'il suffit de reproduire exactement des surfaces affectées de telle ou telle façon , dans telle circonstance donnée : autant vaudrait res- treindre l'art aux proportions du naturaliste. Certainement la forme est une partie essentielle de l'art, puisque c'est par elle que se manifestent les phénomènes de la vie. Mais cette forme n'est jamais une, tant que l'esprit l'anime ; sans cesse modifiée par lui, elle échappe dans ses infinies transforma- tions à la mesure matérielle, et nul n'arrivera à en saisir la vérité intime , s'il se borne à l'étudier par la voie du rai- sonnement et de l'expérience. Il faut plus que cela ; il faut se mettre en communication avec la loi mystérieuse , la loi de sentiment et d'émotion , qui constitue la vie. Il faut sentir, autrement dit, voir avec l'ame, saisir par intuition ce qui n'est pas donné à nos or- ganes matériels de percevoir. C'est sous ce rapport surtout que les croyances sont nécessaires à l'artiste , car elles exci- tent et développent ses forces morales et mettent à sa portée des mystères autrement impénétrables. L'école flamande, si peu semblable pourtant à l'école ita- lienne, témoigne encore de la puissance de cette foi salutaire. Le sentiment religieux du peintre flamand, plus mesuré, plus intérieur, s'est produit sous l'influence du toit qui l'abrîta. De même que l'art italien avait emprunté à la statuaire antique et à l'organisation imagée et vive du Midi la pureté de ses types , la perfection de ses contours, la forme poétique de sa pensée, de même, sous les brumes épaisses de la Flandre, dans ces villes bourgeoises, avec la nature concentrée de ses habitants , leurs mœurs laborieuses , leurs instincts de pa- tience et d'exactitude, de résignation et de persistance, l'art revêtit un caractère de fini dans l'expression de la forme, et de vérité naïve dans l'expression de la vie. C'est que chez ces