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472 connue que par le petit nombre. Ses amis ont apprécié le charme de sa société, les agréments de sa conversa- tion, l'aménité de son caractère, la délicatesse de son esprit. Il possédait à un degré éminent cette antique ur- banité française, cette politesse exquise, dont le type se perd tous les jours, et ne se retrouvera bientôt plus que dans les traditions. Ne semble-t-il pas en effet que les grandes tempêtes politiques qui ont bouleversé tant d'exis- tences ont aussi dénaturé le caractère national pour le faire rétrograder, soit dans les écrits, soit dans les mœurs, jusqu'au type un peu farouche du sauvage Gaulois ? Les révolutions ne procurent souvent d'inestimables bienfaits qu'au prix de sacrifices regrettables, comme l'orage quel- quefois fertilise la plaine en la couvrant de la terre végé- tale qu'il entraîne du sommet des monts. Telle était aussi la pensée de Pichard; il attendait du temps le complé- ment de notre régénération politique, et le retour à de saines idées en littérature et en morale. Sa vie s'écoulait laborieuse et paisible ; son ambition était satisfaite des fonctions modestes qui lui laissaient le temps de se livrer à ses goûts chéris. Il avait aussi réalisé le vœu d'Horace, modus agri non ita magnus; rien ne manquait à son bonheur, il n'était altéré que par l'ap- préhension de voir quelque catastrophe en rompre brus- quement le cours! Cette crainte, hélas ! qu'il rapportait à des circonstances extérieures, lui venait à son insu d'un mal qu'il recelait dans son sein : une affection du cceur et des organes respiratoires, contre laquelle il lutta long-temps sans vouloir abandonner ses occupations, fît bientôt des progrès irrémédiables. Les sollicitations de sa famille et de ses amis le décidèrent enfin à tout quitter et à se retirer au milieu des champs pour veiller unique-