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connue que par le petit nombre. Ses amis ont apprécié
le charme de sa société, les agréments de sa conversa-
tion, l'aménité de son caractère, la délicatesse de son
esprit. Il possédait à un degré éminent cette antique ur-
banité française, cette politesse exquise, dont le type se
perd tous les jours, et ne se retrouvera bientôt plus que
dans les traditions. Ne semble-t-il pas en effet que les
grandes tempêtes politiques qui ont bouleversé tant d'exis-
tences ont aussi dénaturé le caractère national pour le
faire rétrograder, soit dans les écrits, soit dans les mœurs,
jusqu'au type un peu farouche du sauvage Gaulois ? Les
révolutions ne procurent souvent d'inestimables bienfaits
qu'au prix de sacrifices regrettables, comme l'orage quel-
quefois fertilise la plaine en la couvrant de la terre végé-
tale qu'il entraîne du sommet des monts. Telle était aussi
la pensée de Pichard; il attendait du temps le complé-
ment de notre régénération politique, et le retour à de
saines idées en littérature et en morale.
   Sa vie s'écoulait laborieuse et paisible ; son ambition
était satisfaite des fonctions modestes qui lui laissaient le
temps de se livrer à ses goûts chéris. Il avait aussi réalisé
le vœu d'Horace, modus agri non ita magnus; rien ne
manquait à son bonheur, il n'était altéré que par l'ap-
préhension de voir quelque catastrophe en rompre brus-
quement le cours! Cette crainte, hélas ! qu'il rapportait
 à des circonstances extérieures, lui venait à son insu
d'un mal qu'il recelait dans son sein : une affection du
cceur et des organes respiratoires, contre laquelle il lutta
 long-temps sans vouloir abandonner ses occupations, fît
 bientôt des progrès irrémédiables. Les sollicitations de sa
 famille et de ses amis le décidèrent enfin à tout quitter
 et à se retirer au milieu des champs pour veiller unique-