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fisse, il me fut impossible d'avaler une bouchée de cet
affreux mélange de pâtes, d'œufs, de viandes, le tout
assaisonné d'une telle quantité d'épices que la boîte à
sauce d'un Anglais revenant des Indes serait fade et sans
goût à côté de ce ragoût infernal. Nous mangeâmes le
poisson avec les doigts, mais on donna pour le couscousou
de grandes cuillères rondes en écaille à manche d'ivoire
et de corail; une longue bande de fine toile de Smyrne
faisant le tour de la table tenait lieu de serviette à tous
les convives.
   Moun et Mollah, toujours voilées, assistèrent au repas
dont leur frère fit les honneurs avec une grâce toute fran-
çaise; elles se montrèrent pleines de bienveillance et sou-
tinrent la conversation avec aisance, se servant alterna-
tivement de la langue franque, en usage à Alger, et d'un
assez bon italien. Lorsque nous nous séparâmes, elles pro-
niirent à Mme de Bau... et à moi de nous conduire au bain
le lendemain, à condition toutefois d'y aller d'assez bonne
heure pour ne pas y rencontrer d'autres femmes, qui très-
probablement nous en refuseraient l'entrée.
   La soirée était fort avancée quand nous primes congé
de nos hôtes; la nuit était ravissante; le chemin qui con-
duisait à notre demeure était délicieux , mais nous le par-
courûmes en silence ; encore sous le charme des impres-
sions de cette journée, nous aurions craint dans notre
enchantement d'ajouter un plaisir aux souvenirs que nous
emportions.
   Le lendemain de bonne heure nous allâmes prendre
chez elles les sœurs de Mustapha pour aller au bain, en
arabe, haman. Entourées de plusieurs esclaves et cou-
vertes de leur Haïk, Moun et Mollah s'acheminèrent à
petits pas, gênées qu'elles étaient par le poids et Tarn-