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178 Angleterre, que le blocus n'avait pas empêché d'arriver à leur adresse. Ces richesses intellectuelles étaient peut- être les seules qu'on eût trouvé dans toute la Régence. D'étage en étage , l'escallier allait en se rétrécissant jus- qu'à la porte de la terrasse, qui soigneusement fermée par trois serrures et autant de verroux, défendait l'entrée de ce lieu, autrefois interdit aux hommes. Le rapproche- ment des toits, permettant aux femmes de communiques d'une maison à l'autre, les terrasses leur étaient entière- ment réservées. Les Juifs seuls ne suivaient pas cet usage. Une espèce de kiosque s'élevait à l'un des angles du toit; un beau télescope occupait une des trois fenêtres qui s'ouvraient du côté de la mer; des voiières remplis- saient les deux autres. De nombreux coussins empilés sur le tapis, furent transportés au bord de la terrasse, ou dis- posés avec une sagacité, hélas ! inconnue en Europe, ils nous formèrent des sièges, pour l'arrangement desquels deux coussins ronds pour s'asseoir, trois carrés pour s'ac- couder, sont de rigoureuse nécessité ; l'étiquette orientale permet d'en employer jusqu'à quatorze de formes diffé- rentes, dont l'instint le plus profond^, le plus complet du comfort crée alors, un lit de repos capable de satis- faire les exigences du sibarytisme le plus voluptueux. Nous nous préparâmes ainsi à jouir paresseusement du magnifique spectacle qu'offre le coucher du soleil dans ces heureux climats ; la gaîté un peu bruyante qui nous animait fit bientôt place à ces vagues causeries qu'amènent avec elles les dernières heures du jour. Le calme qui nous entourait était si profond, qu'on l'eût dit l'effet d'un pou- voir magique heureux de nous laisser savourer dans toute sa plénitude le charme de cet instant : pas un nuage ne trou- blait l'azur du cieî; la mer, où nos vaisseaux semblaient «