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«   signe cet épis de fleurettes sous le nom des yeux de la sainte
«   Vierge , et ce nom est presque aussi aimable qu'elle , car il
«   n'y a rien qui peigne , mieux qu'elle, à l'esprit^ la tendresse
«   d'un œil bleu et la suave douceur d'un regard (1). »
    Je quittai avec peine ce lieu où mon ame avait trouvé le
calme des passions ; c'était le site de mes r ê v e s , et je me pro-
posai d'y revenir souvent.
    Le soleil approchait de la fin de son cours. Des nues serei-
nes étaient arrêtées çà et l à , dans l'azur du ciel; quelques
teintes de rose flottaient autour de l'astre du jour. Je me diri^
geai alors vers la colline du Mont-Cindre, pour y jouir de la
solitude.
    J'allai m'asseoir près de l'hermitage sous les arbres qui en
font un lieu ravissant. Délicieuse journée du plus beau
printemps que l'homme ait jamais salué ! L'air était si douce-
ment f r a i s , si p u r , qu'en le respirant on semblait respirer
et boire la vie ! Le soleil descendit en ce moment sur le som-
met des montagnes de la Loire vers l'horizon éclatant du
Beaujolais ; les neiges lointaines des Alpes se couvraient de
r o s e , et les côtes Beaujolaises rapprochées, que le soleil
franchissait en cet i n s t a n t , se teignaient de violet pourpré ou

   (1) Cette petite fleur eut été chez les anciens le sujet d'une touchante mé-
tamorphose , peut-être moins touchante que la vérité. On raconte eu Allema-
gne , que deux jeunes amants, à la veille de s'unir, se promenaient sur les
bords du Danube : une fleur d'un bleu céleste se balance sur les vagues , qui
semblent prêtes à l'entraîner. La jeune fille admire son éclat et plaint sa des-
tinée : aussitôt, l'amant se précipite , saisit la tige fleurie , et tombe englouti
dans les flots. On dit que, par un dernier effort, il jetla cette fleur sur le ri-
vage , et qu'au moment de disparaître pour jamais, il s'écriait encore :
Aimez-moi, ne m'oubliez pas.
   Depuis ce temps,
                Pour exprimer l'amour , ces fleurs semblent écloie ,
                Leur langage est u n mot , mais il est plein d'appas.
                Dans la main des amours , elles disent encore :
                          AlIYIEZ-MOI, Nlî M'OUBLIEZ PAS.

                          (Lettre a Sophie, par AimC Martin, ie         lettre).