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   atroces injures, de ses calomnieuses imputations, lesquelles au-
   raient dû lui valoir l'animadversion de tous les bons esprits.
      Cependant Rousseau, voyant que ses couplets avaient soulevé
   tout le café contre lui, trouva prudent de ne plus y remettre
  les pieds. A peine eut-il cessé d'y paraître, que de nouveaux
   couplets, beaucoup plus méchans que les premiers, vinrent-
  accroître le scandale, ce qui donna lieu à plusieurs personnes,
  intéressées même dans ces couplets, de soupçonner qu'ils pou-
  vaient bien n'être pas tous de Rousseau, et que quelqu'autre profi-
  tait de l'occasion pour donner cours à sa malignité comme à sa
  vengeance.
     Ce soupçon ne tarda pas à prendre une plus grande consis-
 tance. Un jour que les individus satirisés devaient se réunir chez
 Devilliers, dans la vue de s'entendre sur les moyens à prendre
 pour mettre fin à ces fatigantes attaques, Lamotte y arriva avec un
 paquet qu'il disait avoir trouvé à sa porte depuis plus d'une heure.
 Ce paquet contenait un envoi de onze couplets, toujours plus
"affreux, dirigés contre les personnes qui devaient faire partie
 de la réunion, laquelle était un secret pour le café, et dont il
 était impossible que Rousseau eut la moindre connaissance.
 Boindin et Grimarest pensèrent aussitôt que tous ces couplets
cachaient quelque noir mystère, que leur but était d'aigrir les
 esprits contre Rousseau, et ils eurent la franchise de le faire
 sentir à Lamotte ainsi qu'au marchand bijoutier Malafaire, l'in-
 séparable ou plutôt l'ame damnée de Saurin. Boindin remarqua
même dans Lamotte une sorte d'embarras qui se changea plus
tard en une défiance véritable.
    L'assemblée s'étant séparée sans rien décider, chacune des
parties intéressées prit le parti de se taire, et les choses demeu-
rèrent en cet état jusqu'aux premiers jours du mois de février
1710.
    A cette époque, Lamotte venait d'être admis à l'Académie
française, mais il n'avait pas encore prononcé son discours de
réception, et Rousseau était sur le point d'y être admis pareille-
ment. Boileau était dangereusement malade, et sa mort pro-
chaine allait faire vaquer sa pension, laquelle ne pouvait être
donnée qu'à un académicien : or, Rousseau étant tout près de le