page suivante »
SAINT-JEAN 343 notre rang à la tête des nations. Ce que vous ne voulez pas faire dans notre intérêt se fera ailleurs malgré vous et contre nous. Les chevaux emportent le char, emparez-vous des rênes Une voix retentit d'un bout du monde à l'autre ; l'humanité crie : « En « avant! » ( i ) Pour avoir moins d'autorité que celle du célèbre auteur de la Renaissance des arts à la cour de France, doué d'un esprit si sagace et d'un goût si sûr, l'opinion de Saint-Jean doit être rappelée ici. Saint-Jean partageait les inquiétudes qui viennent d'être expri- mées. Il avait observé silencieusement, mais d'un œil pénétrant, aux expositions de 1851 et de 1855, le mouvement qui emporte les peuples. Il connaissait trop bien la fabrique lyonnaise, il était trop fier de son éclat, pour que chez lui le Lyonnais passât même avant le peintre dans l'attention qu'il prêtait au spectacle de tant d'efforts. Je pourrais en donner plus d'une preuve puisée dans la correspon- dance de mon ami, mais je ne dois retenir du sentiment qu'il avait du cours des choses que ce qu'il a voulu en exprimer publiquement. Son discours de réception à l'Académie de Lyon en 1856, écrit avec la mesure qui était dans son caractère, est empreint de tristesse. « Nous devons craindre, » a dit Saint-Jean, « que, par suite du contact de peuple à peuple et de nos exemples, le secret de l'orga- nisation de nos fabriques ne parvienne dans un temps donné chez nos voisins. S'ils n'arrivent pas bientôt au même degré de perfec- tion que nous, néanmoins ils pourraient satisfaire aux besoins de leurs nations, et nos exportations seraient considérablement ré- duites... » (1) Tous les collègues de de Laborde tinrent alors le même langage. Je l'ai tenu moi-même, et dans mon rapport de 1853 s u r l e s industries de Paris à cette Exposition de Londres et dans le rapport à la Chambre de commerce de Lyon dans lequel je lui proposais, il y a près de trente ans, la création d'un musée d'art et d'industrie.