page suivante »
194 LA REVUE LYONNAISE Source de tout bonheur, amoureux Androgyne, Jamais je ne discours sur ta saincte origine, Que, ravi, je n'admire en quelle sorte alors D'un corps Dieu fit deux corps et de deux corps un corps. O bienheureux lien, o nopce fortunée, Qui de Christ et de nous figure l'hyménée. O pudique amitié, qui fonds par ton ardeur Deux âmes en une ame et deux cœurs en un cœur. O contract inventé dans l'odorant parterre Du printanier Eden, et non dans cette terre Toute rouge de sang, toute comble de maux, etc. Le biographe de Gamon, dans le recueil Haag, préfère les vers de du Bartas. Il nous semble que tous deux se sont montrés en cette occasion de grands poètes, et, si nous donnions la palme à l'écrivain gascon, ce serait surtout pour avoir servi de modèle à son rival vivarais. La fin de ce morceau, dans la Semaine de Gamon, semble écrit d'hier, abstraction faite de l'archaïsme du langage. Peut-être plaira-t-il moins à nos lectrices, tout en leur fournissant la preuve que leurs aïeules du XVIe siècle étaient déjà bien loin de la divine simplicité d'Eve. L'art pourtant ni le fard, d'une grâce sans grâce, Altérants sa santé, n'adultèrent sa face, Bien plus belle que vous, qui des fers, des poinçons, Des drogues, des venins faites vos hameçons; Qui, folles, aymant mieux sembler qu'estre pucelles, Redressez vostre corps, rehaussez vos mamelles, Conroyez vostre cuir, vernissez vos laideurs, Falsifiez vos poils, corrigez vos couleurs, Revoûtez vos sourcils, encroustez vos visages, Aplanissez vos fronts et desmentez vos âges. Dames je parle à vous, qui, sur vostre portrait Reprenants du grand Dieu le pinceau tout parfait, Voulez suivre aujourd'hui le conseil trop volage Des humeurs de vostre âme ou des mœurs de nostre âge.