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             LA « SEMAINE » DE CHRISTOPHLE DE GAMON                     175

 et le bon goût, mais il a l'inspiration large et élevée, le souffle puis-
 sant, une verve remarquable, et, si sa réputation a été jadis surfaite,
 elle a été injustement dépréciée depuis. Du Bartas était, de plus, un
 personnage des plus respectables par son caractère et l'austérité de
ses mœurs. Il jouit de l'estime particulière d'Henri IV et de la cour
d'Angleterre. Le Béarnais l'employa même dans une négociation
fort délicate, puisqu'elle avait pour but le mariage de sa propre sœur
avec Jacques VI, roi d'Ecosse. Du Bartas était, en effet, un politique
plein de bon sens, chez lequel nos publicistes modernes trouveraient
beaucoup à apprendre. C'est chez ce poète « grotesque » qu'on
voit poindre, pour la première fois peut-être, la grande maxime que
le meilleur des gouvernements est toujours le gouvernement que
l'on a, et que le plus sage est de chercher à l'améliorer, sans jamais
le renverser. Ainsi, quoique monarchiste, il ne veut pas que les
républiques existant de son temps recourent à un autre régime.
                                            Helvetiens,
            Ragusins, Genevois, Grisons, Vénitiens,
            Gardez votre franchise et ne cassez, volages,
            Vos loix, qui sainctes ont pris pied depuis tant d'aages.

  Mais, s'il respecte les institutions des autres pays, il veut aussi
garder pour la France le régime monarchique, et s'élève contre ceux
qui en minent les bases, contre les pamphlétaires et les prédicateurs
de la Ligue. Les vers suivants ne semblent-ils pas écrits pour nous ?

            Il vaut mieux supporter les jeunesses d'un roy,
            Quelque tache en Testât, quelque vice en la loy,
            Que d'emplir tout le sang de cent effrois paniques,
            Et, pensant réformer, perdre les républiques.


   C'est la pensée de Pascal : « Le plus grand des maux est la guerre
civile ; le mal à craindre d'un sot qui succède par droit de naissance
n'est ni si grand ni si sûr. »
   Du Bartas n'est-il pas quelque peu prophète, quand il expose, dans
les vers suivants, l'un des plus graves inconvénients de la forme gou-
vernementale dont nous faisons aujourd'hui la coûteuse expérience?