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46                 LA REVUE LYONNAISE

     Parfois les ravisseurs se disputent leur proie.
     Elle reste au plus fort qui l'entraîne avec joie.
     Une vierge, écartant une impudique main,
     En mourant, s'est frayé vers le ciel un chemin.


     A d'autres ravisseurs le divin sanctuaire,
     Dans un désordre impie, offre un riche salaire.
     Bijoux et diamants, reliques, vases saints
     Sont de leur part l'objet d'exécrables larcins.
     Bientôt chaque vainqueur emporte sous sa tente
     Son or et ses captifs que glace l'épouvante ;
     Puis il repart, et court, indifférent aux pleurs,
     Moissonner à nouveau dans le champ des douleurs.
     Rassemblés en ballots de marchandise humaine,
     Des amas de captifs, qui respirent à peine,
     Sont, par de forts liens, dans les airs suspendus,
     Et des murs aux vaisseaux lentement descendus.
     Enfin, quand vient la nuit, sur la ville abîmée
     Un seul mot du sultan arrête son armée...



     Ses habits sont couverts d'or et de broderies.
     11 guide un fier coursier chargé de pierreries,
     Et c'est comme une étoile au sein de l'ouragan
     Que dans Byzance en pleurs apparaît le sultan.
     Sa cour, ses généraux et sa garde farouche
     L'entourent, sans que nul ose entrouvrir la bouche.
     Le sang qu'il voit partout n'attriste point ses yeux.
     Il marche sur les morts, et reste radieux.
     Le cœur enorgueilli de sa funeste gloire,
     Il compte, en avançant, les fruits de la victoire :
     « Que de grandeurs ! •» dit-il. A chaque monument,
     Dans ses regards actifs se peint l'enivrement.
     Il cherche un groupe aimé, talisman de Byzance,
     Et sur l'un des dragons de ce groupe il s'élance,
     L'abat : « Tombe, » dit-il, « emportant avec toi
     Les.dernières grandeurs des fils du peuple-roi ! »
     Cependant, près de là, voyant un misérable
     Qui brise avec fureur une pierre admirable,
     Il le frappe, en disant : « Tu touches à ma part.
     Je me suis réservé les merveilles de l'art. »