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416                        LA REVUE LYONNAISE

    Gamon avait un brillant modèh, à l'autre extrémité du Vivarais,
dans cet amour de la vérité et de la vie champêtre. Olivier de Serres
avait publié, en 1600, le Théâtre d'agriculture. Cet ouvrage immortel
dut être une des lectures favorites de Christophle, et nous sommes
convaincus qu'il contribua au progrès si notable de fond et de forme
que marque la Semaine sur ses précédentes poésies. Il nous semble
impossible que le jeune poète vivarais ne soit pas allé saluer au
Pradel l'illustre philosophe agriculteur, d'autant que les sympathies
religieuses et politiques, non moins que la conformité des goûts et
des sentiments, ne pouvaient que rendre cette visite aussi agréable
pour l'un que pour l'autre. Il est à remarquer que c'est aux époques
les plus troublées que les esprits supérieurs se rejettent de plus en
plus dans la vie des champs. Les crimes et les folies des hommes
leur font chercher un refuge et une consolation dans le commerce
de la nature. C'est ainsi qu'Olivier de Serres trouva le loisir, malgré
le bruit des armes qui retentit si souvent autour du Pradel, d'élever
ce vaste et majestueux monument qu'on pourrait appeler la bible de
l'agriculteur. Les poésies de Christophle de Gamon, et aussi celles
du conventionnel Gamon, qui avait vu de si près les scènes san-
glantes de la Révolution, et n'y avait échappé lui-même que par
miracle (1), portent cette même empreinte très accentuée du dégoût
 des hommes et de l'amour de la nature.
    Christophle de Gamon passa probablement une partie de sa vie à
la campagne, dans une des propriétés que son père avait laissées,
aussi estimé de quelques rares amis que méconnu ou même calomnié
d'un grand nombre de ses concitoyens; vivant beaucoup plus dans
le commerce de la nature et des livres que dans celui des hommes;
 réalisant graduellement, dans ces favorables conditions, ce perfec-
 tionnement de soi-même que le frottement social met à de si rudes



   (i) Joseph Gamon était inscrit sur la liste des Girondins qui furent décrétés
d'accusation le 2 octobre 1793. Il dut à un hasard providentiel de trouver les
portes de la Convention déjà fermées, en arrivant à la séance, et de n'être pas
arrêté ce jour là avec ses malheureux collègues.