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382                      LA REVUE LYONNAISE

il sait, par le mirage des idées, agrandir à l'infini son horizon, et l'on
sent toujours des ailes à sa Muse. Il a, comme tous les vrais poètes,
le sens intime de la nature dont il excelle à rendre les aspects.
   Plus ardent, parce que, comme l'a fort bien montré votre frère,
M. Alexandre Tisseur, il avait été plus longtemps concentré en lui-
même, Barthélémy plaira davantage aux passionnés. Il semble avoir
subi, plus que Jean, à certains moments, l'influence romantique.
Dans ses vers d'amour, si pleins d'âme, on croit entendre passer un
écho de Pétrarque. Mais, dût l'Italie me regarder comme un blas-
phémateur, je trouve chez votre frère un accent qui manque aux
afféteries mignardes du chantre de Laure, celui de la vérité. Pétrarque
a-t-il pleuré ailleurs que dans ses vers ? C'est possible : mais en tout
cas, il ne se faisait point faute de chercher dans les consolations les
moins platoniques une compensation aux soupirs des Rime et des
Canzoni. Ce sont de vraies larmes qu'a versées votre frère. Elles se
sont incrustées dans ses vers, et, de même qu'elles creusent les joues,
elles y ont laissé leur sillon brûlant.
   Donc à des titres différents l'un et l'autre nous charmeront, et
c'est grâce à vous et à votre frère que leurs ouvrages recueillis
obtiendront dans la galerie lyonnaise la place dont ils sont dignes.
   En voilà bien long pour une simple lettre. Et cependant je n'ai
point dit la centième partie de ce que j'aurais voulu vous dire, après
avoir lu ces deux beaux livres de poésies. J'aime à croire que vous
voudrez bien excuser mon insuffisance et agréer une fois de plus les
remerciements et les affectueuses salutations de

                          Votre bien dévoué,


                                               Charles   LAVENIR.