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LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON 347 Blanche de fleur de lys : son visage espleuré Se geloit de pasleur, son œil tout retiré Sembloit hayr l'autre œil qui mesure l'année (1) ; La force de ses bras estoit aliénée ; Des gros monceaux d'ennuy sur son cœur demouroient, Des pénétrants hyvers dans ses os se fourroient, Et ses os dans sa peau : bref elle estoit de mesme Un qui voit sur son chef nager le souffle extresme. Le pêcheur Francin offre, dans un long discours, tous les pro- duits, tous les remèdes de la mer pour la rétablir. Hélas ! lui répond- elle : Une seule douleur me bat mon triste corps : Je suis France, Francin, je suis France ta mère, Ta mer ne me sauroit deschasser ma misère, La terre ne le peut, si que tant seulement J'espère du haut ciel un doux alegement. Claudin, l'interlocuteur de Francin, cherche à effacer par de phi- losophiques réflexions l'impression que ce cri de détresse a laissée au pêcheur. Les espérances qu'il exprime montrent le dévouement de l'auteur au roi de France et de Navarre, qu'il appelle Y Outre-Preux qui deux fois Roy guide la France. Le dialogue suivant est le tableau de la Paix, pourchassée dans tout le royaume et ne sachant plus où se réfugier. Le poète n'est pas bien convaincu de l'abdication de l'esprit de révolte et de sédi- tion. La déesse exprime ainsi ses appréhensions : Je revoudroy bien ore en France séjourner, Mais j'ay peur d'estre en bref contrainte à retourner : Et ne say (dont me deult) quand pour ma demeurance Je rauray tous les coins de la rebelle France. Dans un autre dialogue, un pêcheur, après avoir parlé des maux du pays, fait des vœux pour la prospérité d'Henri IV : Ton Dauphin qui nostre Roy figure, Vaincu tant seulement par sa douce nature, Prédit qu'encore un jour la royale douceur De ses mutins sujets pourra vaincre le cœur, (1) Le soleil.