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I46                     LA REVUE LYONNAISE

    Cette nouvelle est fraîche, délicate, charmante du commence-
 ment à la fin. Elle pétille de mots spirituels. Elle abonde en obser-
 vations ingénieuses. Francisque Sarcey dirait qu'on y trouve à cha-
 que page la « scène à faire. » Francisque Sarcey aurait tort, pour
 cette fois. La « scène » est faite, et presque toujours fort bien
faite.
   Le titre est alléchant. Le sujet est joli et traité d'une manière
brusque, piquante, originale. Par haine de la banalité, l'auteur a
 coulé sa nouvelle dans le moule d'une lettre unique adressée par
Georges de Forez, à son retour de Montmirey, quinze jours avant
la rentrée, à Léon Bancel, son camarade d'école, encore en vacances,
en Bretagne. Léon Bancel est censé avoir conservé cette lettre, et y
avoir ajouté, en « post-scriptum, » une courte apostille, deux mois
après, quand son ami tombe malade de dépit amoureux, en appre-
nant le mariage de la marquise de Grindes.
   M. Roger Dotnbre est Lyonnais. J'ai l'honneur d'être son compa-
triote. Je ne voudrais pas, dans une « revue lyonnaise, » lui cher-
cher une querelle d'Allemand. Cependant il y a là une petite invrai-
semblance. La lettre de Georges de Forez a quatre-vingt-dix-huit
pages. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'écrire une lettre de quatre-
vingt-dix-huit pages, et je ne me souviens pas d'en avoir jamais
reçu. Je crois qu'une pareille lettre serait grosse, très grosse. Elle
absorberait au moins cinq cahiers de papier de grand format,-et il
faudrait coller pour un franc cinquante de timbres sur l'enveloppe
pour l'affranchir. Je souhaite que M. le Ministre des Postes et des
Télégraphes en reçoive souvent d'aussi lourdes à ses guichets. Les
bénéfices nets de son administration s'en trouveraient sensiblement
augmentés. Peut-être même cette élévation dans les recettes par-
viendrait-elle à remettre le budget de la France en équilibre.
   J'ai remarqué deux lyonnaisismes : le mot « laurelle, » qui sert, à
Lyon, à désigner l'arbuste qui, dans le reste de la France, se nomme
« laurier-rose ; » et la préposition « après » employée adverbiale-
ment dans le sens de « ensuite, » emploi non prévu par le Diction-
naire de VAcadémie française. Les lyonnaisismes sont tolérés dans le
langage parlé, quand on cause, à Lyon, entre Lyonnais; mais il est