Revue lyonnaise » n°9 ( 1885 ) » pp.067

                                  REVUE CRITIQUE                                       67
lauriers dus aux combattants héroïques : Sully-Prudhomme et Coppée sont à
l'Académie française. Les autres, pour la plupart, brillent aux premiers rangs du
journalisme parisien.
   La prétention qu'ils affichaient n'avaient cependant rien d'exorbitant. Pour être
serti dans l'or, le diamant en lance-t-il des feux moins étincelants? De même la
pensée perd-elle donc quelque chose à se présenter revêtue d'une rime riche et
harmonieuse? Au reste ces prétendus novateurs ne faisaient autre chose que
reprendre pour leur compte les procédés de travail des grands écrivains du
xvii e siècle et adopter pour leur guide le précepte trop négligé de Boilean :

                 Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.
                 Polissez-le sans cesse et le repolissez.

   C'est l'histoire des Parnassiens, celle de la Revue fantaisiste, leur premier
organe, qu'a écrite M. Catulle Mendès. Il l'a fait avec beaucoup de verve et
d'entrain. Parnassien de la première heure, il sait tous les détails, navrants ou
drolatique, des jours de misère : il dit la constance, la foi obstinée au succès de
ces vaillants lutteurs. Son œuvre fourmille d'anecdotes typiques, de traits ignorés.
   Comme en une série de médaillons, voici défiler sous nos yeux Albert Glatigny,
l'auteur des Vignes folles, Léon Cladel, Baudelaire, Villiers de l'Isle Adam, Sully-
Prudhomme, Albert Mérat, Léon Valade, Coppée, Léon Dierse dont M. Mendès
cite des vers d'une tendresse berceuse infinie, José-Maria de Heredia, Silvestre,
Ernest d'Hervilly, ce fin parisien, et deux autres moins connus, Paul Verlami et
Stéphane Mallarmé. Pour chacun d'eux, quelques citations, habilement choisies,
complètent l'esquisse tracée par l'écrivain.
   Tel est, brièvement résumé, ce livre d'un intérêt réel et d'une utilité incontes-
 table au point de vue de l'histoire littéraire. 11 rétablira la vérité, souvent obscurcie,
 sur les débuts des Parnassiens, et il remettra en lumière bien des côtés oubliés de
 leur existence. Il est écrit de bonne foi, sans préventions et sans rancunes, avec
 un amour profond de l'art en même temps que de l'exactitude, toutes précieuses
 qualités qui, je l'espère, assureront son succès.
                                                                      Ch.   LAVENIR.