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586                      LA R E V U E    LYONNAISE

  Quel tact, quelle bonhomie charmante, quel esprit fin, pénétrant et délicat.
  Et quelle aimable simplicité de mœurs et de goût, chez ce gentilhomme de race.
  Rappelez-vous sa belle ode à Jasmin :
                  Et de que li fôou aou pouelo,
                  Surtout aou pouèto Gascoun
                  Qu'un air libre coumo a l'alou eto,
                  Qu'un paou de tabac dins sa bouèto,
                  Et de vi viel din soun flacoun.

  J'ai parlé de son culte pour la langue du berceau; écoutez ce fragment d'une
poésie qu'il a dédiée à Jean Reboul, le poète-boulanger de Nîmes :
                  La lengo qu'a lou mai de prusé pouétiquo,
                  La lengo qu'es touto musiquo
                  Per quaou sèn la fan de rima,
                  Es la qu'on barboutis, éfan, à la brassiéiro,
                  Es aquelo que la prumieiro,
                  Nous aprèn a dire : Marna !

   Hélas ! il y a près de quarante ans, j'accompagnais vers une modeste église
de village la dépouille du vénéré maître, mortdans la force de l'âge.
   Qui m'aurait dit alors qu'uu jour viendrait où la reconnaissance et l'admira-
tion de son humble disciple s'affirmerait en plein Paris devant une assemblée fière
de le saluer comme l'un des meilleurs parmi les Précurseurs des Félibres.
   Il m'est resté dans la mémoire, ce chant d'adieu qu'au lendemain de ses funé-
railles ma jeune muse jetait aux e'chos attristés de notre cher Gardon.
   Laissez-moi vous en redire quelques vers, maintenant que souffle pour moi le
vent du soir : ce sera peut-être le dernier hommage que j'aurai pu rendre parmi
vous, à la mémoire de ce vaillant :

                D'aquel ressouveni toun aoureio siblavo
                Et soun prusé te counsoulavo
                Dé la mort que senties veni ;
                També quan s'aprouchà soun raoufétous apotro
                Té vese, aou mounde dire : votro !
                Sans plous à l'iel et sans ferni.
                Mais din toun cur coumo uno toufo
                Sentes un régré que refoufo,
                Darnié bon souer per toun Alais,
                Per tous amis, per ta famio.
                Et per la fado que grumïo
                De pas pus entendre ta voués !
                Ab ! pus blanco que la paloumbo
                Vendra bè ploura sus t i toumbo
                L'èfan qu'avie tant amiada,
                Et, d'aginout, te demanda
                D'aqueles airs que li cantaves
                Quan sus la terro rebalaves
                Toun boulé de malin cougné,
                Ou quan, d'aou casàou fachiqué
                Mounté lou mourtalen se landro
                Din touto méno de malaudro