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      LA. VIE I N T É R I E U R E AU D I X - S E P T I È M E S I È C L E   313

« Les cerisiers portent bientôt leurs fruits, parce que leurs fruits
ne sont que des cerises de peu de durée ; mais les palmiers, princes
des arbres, ne portent leurs dattes que cent ans après qu'on les a
plantés. » Cette pensée, il la répétait ailleurs dans une forme moins
poétique, mais aussi saisissante : « Il n'est pas possible que vous
soyez sitôt maîtresse de votre âme, et que vous la teniez en votre
main si absolument de premier abord. Contentez-vous de gagner
de temps en temps quelque petit avantage sur votre passion ennemie.
Il faut supporter les autres : mais premièrement il faut se supporter
soi-même et avoir patience d'être imparfait. » Ou bien encore a
Mme de Chantai : « Ne vous efforcez point, ne vous mettez pas
en peine de vous-même... après les pluies, le beau temps. Ne soyez
pas si jalouse de votre esprit... Ce n'est pas grande merveille qu'un
esprit de veuve soit faible et misérable, » ajoutait-il en la raillant.
« Je vis dernièrement une veuve à la suite du Saint-Sacrement et,
où les autres portaient de grands flambeaux de cire blanche, elle
ne portait qu'une petite chandelle que peut-être elle ayait faite, en-
core le vent l'éteignit: cela ne l'avança ni ne la recula du Saint-Sa-
crement ; elle ne laissa d'être aussitôt que les autres à l'église. Ne
 soyez point jalouse encore une fois. » — Ni raffinement, ni impa-
 tience, voilà sa devise. — « Ne vous débattez point, ne vous em-
pressez point... ayez patience que vous ayez des ailes pour voler
 comme les colombes ; je crains infiniment que vous n'ayez un peu
 trop d'ardeur à la proie, que vous ne vous empressiez et ne multi-
 pliiez les désirs un peu trop dru. »
    Cette marche toujours prudente et mesurée, cette simplicité
dans la direction, cette crainte d'un zèle trop bouillant et des exa-
gérations inutiles n'étaient point particulières à saint François de
Sales ; elles se rencontrent, sauf à Port-Royal, chez tous les maîtres
delà spiritualité du dix-septième siècle. Bossuet lui-même, que
l'on juge austère, parce qu'on l'a trop souvent opposé au doux
Fénelon, Bossuet n'hésite jamais à réfréner les témérités impa-
 tientes et à réagir contre les excès du recueillement. « Vous
vous repliez trop sur vous-même, écrit-il à Mme d'Albert.
Vous devriez suivre plus directement le trait du cœur qui veut
s'unir à Dieu. C'est dans l'acte d'abandon que se trouve le seul
 remède à vos maux. » Un autre disait à la duchesse de la