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146 LA REVUE LYONNAISE lui dire que les recors étaient dans la salle basse du château et commençaient à instrumenter. Il se leva tout pâle, et descendit, en chancelant, l'escalier à vis de la tourelle. Les gens du roi s'arrêtèrent à son entrée et le saluèrent respectueusement. Grès de Bouscardon fit un pas en avant, la main levée, le poing serré : sa figure pâle devint pourpre, un cri rauque, inarticulé, sortit de son gosier, il tomba de colère et de honte, foudroyé par l'apoplexie. Quelques heures après, il mourut sans avoir repris t t connaissance. Grâce a un récent mariage, Antoine-Elie put éviter la consommation de l'outrage ; il arrêta la vente et paya les créanciers... C'étaient ceux-là mêmes qui avaient tué son père; il s'en voulut toute sa vie de les avoir payés. Les autres, compatissants ou rassurés par son mariage, le laissèrent en paix, mais cette mort tragique du vieux Grès assombrit encore la disposition mélancolique de l'héritier de Bouscardon. Il se renferma quelques mois avec sa jeune épouse, dans les vieux murs du 'château de ses ancêtres ; puis, n'y pouvant plus tenir, étouffant dans ce vieux logis décrépit, dans ces chambres étroites, il bâtit non loin de là , plus près de la plaine, une maison moderne qui pouvait être plus confortable, mais qui contraste péniblement avec le cadre âpre et pittoresque qui l'entoure. Il s'y établit avec sa femme, ne paya point ses dettes, et le reste de sa vie ressemble trop à toutes les vies de propriétaires campagnards pour qu'il vaille la peine d'en parler. Il n'a pas eu d'enfants et peut-être vit-il encore; mais déjà , dès la mort du père, les Grès de Bouscardon avaient vécu. RRNÉ DE GOLAVAZOTJ.