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                                L'OME P O U P U L A R I                               17
   — Ah! vai, de-pèr darrié, se te vesiés, mostres pas misèri : e se
 vendemiarié eraé de plus marrit cabas.
   — Aquéu Moussu Lassagno toujour faut que galeje, disié la
vièio en crebant dôu rire...
   Pièi se virant vers iéu, la coumaire me faguè :
   — Vès [(Moussu, es pas pèr dire, mai aquéu Moussu Lassagno
es uno crèmo de gènt : es coumun emé tôuti ; parlari, se vesias, au
darrié dôu païs, à-n-un enfant d'un an! Tambèn i'a cinquanto an
qu'es Maire de Gigougnan, — e lou sara touto sa vido.
   — Eh ! bèn, coulègo? Lassagno me faguè, veses que iéu i'aipas
fa dire.... Tôuti, aman li bonmoussèu ; tôuti, aman li coumplimen,
e tôuti se coumplaison dinsli bônimaniero. Que fugue emé lifemo,
que fugue emé li rèi, que fugue eme lou pople, quau vôu régna,
dèu agrada. E vaqui lou secret dôu Maire de Gigougnan.

                                                 FRÉDÉRIC         MISTRAL.


   — Ah ! va ! par derrière, si tu te voyais, tu n'affiches pas misère : on vendangerait
encore avec de plus mauvais paniers.
   • Ce monsieur Lassagne! il faut toujours qu'il dise quelque bouffonnerie, reprit la
   —
vieille en se tenant les côtes.
   Puis se tournant de mon côté, la commère ajouta :
   — Voyez, Monsieur, ce n'est pas pour parler, mais ce monsieur Lassagne, c'est
la crème des hommes : il n'est fier avec personne ; il parlerait, bien sûr, au dernier
de la commune, à un enfant d'un an ; aussi il y a cinquante ans qu'il est maire de
Gigognan et il Je sera toute sa vie,
   — Eh bien I l'ami, me dit Lassagne, je ne le lui ai pas fait dire... Tous, nous
aimons les bons morceaux; tous nous aimons les compliments; tous nous aimons
les prévenances. Que ce soit avec les femmes, que ce soit avec les rois, que ce soit
avec les peuples, pour régner, il faut plaire. Et voilà le secret du maire de Gigognan.

                        '^Traduit du provençal   de Mistral, par Charles Boy).




    JANVIER 1883.   — i\   V,