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264 L \ REVUE LYONNAISE
« Oscar, commençai-je d'une voix solennelle et sans autre
préambule, Oscar, savez-vous danser?
Il me regarda d'un air aussi étonné que si je l'eusse interrogé
sur ses connaissances en hébreu ou en sanscrit.
— Vous savez bien que non, fit il enfin d'un air lugubre ; on
m'a forcé une fois de figurer dans un quadrille, à Boulogne, hélas!
et j ' a i tout embrouillé.
— Eh bien, il faut que de samedi prochain en huit vous sachiez
danser comme feu Vestris. Allez, dès demain, chez un bon pro-
fesseur et que la valse, la polka, le quadrille, la scottish et la
redowa n'aient plus de secret pour vous.
— Vous me direz au moins pourquoi cette recommandation?
— Tout simplement parce que je vous emmène au bal.
— Ignorez-vous que je n'aime pas le monde et que je ne sors
jamais?
— Vous aimerez la maison où je prétends vous conduire et
vous ne regretterez qu'une chose, c'est de ne pouvoir y aller que
le samedi, du moins jusqu'Ã nouvel ordre.
— Pourquoi ?
—' Parce que cette maison est celle de M. Morin, et que la
jeune fille à la jarretière bleue est M'i« Morin. »
Oscar bondit hors de son fauteuil en laissant échapper la pipe
turque qui se brisa en mille pièces.
« Ne plaisantez pas avec moi sur ce sujet, mon ami, cela me
ferait trop de mal.
— Je ne plaisante pas, mon cher Oscar, je n'ai jamais été plus
sérieux. Je vous dis, je vous répète, que la jeune fille de Boulogne
se nomme MUe Morin et habite rue Saint-Claude. M. et Mme Morin
reçoivent tous les samedis ; les réceptions commencent de samedi
en huit, et nous irons ensemble si cela vous convient.
—- Si cela me convient !... »
Oscar se mit alors à me bombarder de questions pour savoir
comment j'avais pu trouver le mot de l'énigme. Je vous prie de
croire que j'eus un joli succès et que mon auditeur buvait littéra-
lement—mes paroles. Puissé-je intéresser toujours autant ces
messieurs de la Cour! Il me fallut entrer dans les plus minimes
détails et revenir vingt fois sur les mêmes points. Il y a des choses