page suivante »
198 LA R E V U E LYONNAISE
au tableau, j'avais principalement,comme tous les stagiaires,plaidé
au criminel et il m'était arrivé plusieurs fois d'avoir affaire à la
préfecture de police. La complaisance du personnel de cette admi-
nistration m'était connue ; d'ailleurs le nom de Me Z..., mon patron,
ouvrait toutes les portes. Je m'adressai à un des chefs de service et
je lui exposai ce qui m'amenait. Je m'attendais à être poliment
éconduit dès les premiers mots ; mais mon interlocuteur m'écouta
attentivement, tout en prenant quelques notes. Quand j'eus fini, il
me dit en souriant que la préfecture avait mené à bien des besognes
plus compliquées et que l'espoir ne m'était pas interdit. Il me con-
gédia en prenant l'engagement de me faire prévenir aussitôt qu'il
serait en possession du résultat, quel qu'il fût, des recherches qu'il
allait ordonner.
Je me gardai d'apprendre à Oscar la démarche que je venais de
faire; le succès m'en paraissait trop douteux et je trouvais que la
monomanie du pauvre garçon était bien assez développée sans lui
fournir encore un nouvel aliment.
Quinze jours environ se passèrent sans qu'il survînt aucun inci-
dent digne d'être rapporté. Je me livrais à mes occupations habi-
tuelles et Oscar se partageait entre les réflexions les plus amères
et les espérances les plus douces. Parfois, mais rarement, il s'arra-
chait aux douceurs de la position horizontale, et vous l'auriez vu
alors, sans souci de la fatigue, arpenter Paris dans tous les sens
et regarder les jeunes filles. S'il pleuvait, c'était pour lui jour de
grandes recherches : les jupes élégamment retroussées permettaient
des investigations dont le « bon motif » justifiait à peine la har-
diesse ; mais il ne trouva rien qui lui rappelât le mollet entrevu.
Cependant l'obligeant fontionnaire dont j'avais sollicité les bons
offices me fit prier un matin de passer à son bureau. Je m'y rendis
plein d'anxiété. Allais-je enfin savoir quelque chose ?
« Monsieur, me dit-il, tout me porte à croire que nous avons
mené à bien la petite affaire dont vous m'avez parlé. Une famille
Morin a quitté Londres le 20 août dernier au matin, se rendant en
France par Boulogne. Elle répond au signalement que vous nous
avez donné, M. et Mrae Morin ont en effet trois filles. Ils habitent
à Paris, rue Saint-Claude, 79, au Marais.
— Monsieur, répondis-je, permettez-moi de vous exprimer