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                          VICTOR HUGO                              419
au milieu des agitations politiques et on ne lui accorda pas une
assez vive attention. Les uns la critiquèrent; d'autres, plus sensi-
bles aux grands éclairs dont elle était pleine, n'ont point ménagé
leur enthousiasme. Un de ceux-ci ne craignit pas de dire haute-
ment: « Ce livre résume bien les quatre faces du génie de Victor
Hugo. La satire rappelle les Châtiments, le drame Ruy Blas,
l'ode les Feuilles d'automne, l'épopée la Légende des siècles,
et vojez : si l'on cite les noms des plus grands poètes dont l'hu-
manité s'enorgueillit, Shakspeare n'a pas fait d'épopées, Dante n'a
pas écrit de drames, Pindare de satires, et Juvénal n'a pas composé
d'odes. » Tirez la conclusion de telles prémisses !
    Assurément il n'était pas impossible d'extraire encore de tous
ces recueils plus d'une noble pensée, plus d'une description saisis-
sante, plus d'un épisode gracieux ou énergique; en tout cas, on
était sûr d'y signaler une merveilleuse souplesse de versifica-
tion et un luxe d'images ou de couleurs allant jusqu'à la prodiga-
lité. Mais tant de qualités y étaient compromises par des défauts,
que l'âge aggravait d'une manière fâcheuse. C'étaient des audaces
excessives de style; des accouplements de mots extraordinaires:
un abus perpétuel desprosopopées et des hypotyposes; des disser-
 tations démesurées sur l'Infini, l'Inconnu, l'Innommé ; un pan-
 théisme latent, s'accordant assez mal avec le spiritualisme avoué
 de l'écrivain.
    On dit de plus qu'Hugo conserve en portefeuille plusieurs
œuvres poétiques : l'une qui paraîtra très prochainement (Toute
 la lyre) ; d'autres, longtemps annoncées en vain (la Fin de Satan
 et Dieu), qui, avec la. Légende des siècles, constitueraient une
 immense trilogie; les Colères justes ; les Années funestes, com-
 plément de l'Année terrible. Nous ne savons ce que des récoltes
 si multipliées produiront d'épis féconds ou d'ivraie stérile, et l'on
 doit en somme à la verte vieillesse d'Hugo autant d'indulgence qu'à
  celle de Corneille ou de Voltaire. Évidemment il est fort regrettable
 que, doué, comme il l'aura été, il n'ait pas réussi à nous donner
  cette épopée qui manque à la France, puisqu'elle en a eu seulement
 le prologue par la Chanson de Roland, la contrefaçon par les
 rapsodies du xvr et du xvn0 siècle, une pâle ébauche par la I{en-
  riade. Quel malheur qu'il ne nous lègue même pas un poème suivi