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416 LA REVUE LYONNAISE industrieusement combinées, au rythme harmonieux, à la savante structure, étaient, selon certains censeurs, parfois vides d'idées ; mais de chauds admirateurs y louaient la richesse du coloris et croyaient voir à travers l'éclat de ces rimes sonores un reflet du soleil éblouissant qui dore la frise du Parthénon et les minarets de Stamboul. Les pièces sur Canaris et sur Navarin, celles de Nour- mahal la rousse, de l'Enfant aux yeux bleus, du Klephte, de la Douleur du pacha sont restées dans toutes les mémoires. Les dix années qui suivirent la Révolution de 1830 furent les plus réellement fructueuses pour la renommée de Victor Hugo. Tandis qu'il se produisait, à différentes reprises, sur la scène dra- matique et ailleurs, il laissait couler à flots de son âme une poésie, encore aussi pure, mais plus haute et plus variée. Quatre recueils, qui pourraient être réunis et fondus ensemble moyennant de dis - crêtes suppressions et qui, à ce prix, mériteraient absolument l'immortalité qu'on leur a souvent promise (les Feuilles d'au- tomne en 1831, les Chants du Crépuscule en 1835, les Voix in- térieures en 1837, les Rayons et les Ombres en 1840), achevè- rent de le placer à son rang, qui était un des premiers. Il suffit de rappeler les traits les plus saillants de cette publication, une et quadruple à la fois. C'était d'abord une veine patriotique et héroï- que : l'éloge de la Révolution et, tout à côté, celui de Napoléon I er , de son arc-de-triomphe, de son fils innocent et malheureux; ce qui n'excluait pas des regrets sur la tombe, fraîchement ouverte, du vieux Charles X et de gracieux compliments pour le jeune duc d'Orléans. C'était ensuite une série de méditations, plus ou moins philosophiques, sur la vie et la mort, sur les hommes et les choses, sur le bouleversement des empires et les vicissitudes de la destinée humaine. C'était enfin une multitude d'esquisses douces et riantes, oùla toute-puissance de la femme et de l'enfance était décrite avec une vérité et une conviction qui n'ont jamais été surpassées ni par lui ni par personne. L'affreuse catastrophe qui vint frapper le poète au cœur en