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VICTOR HUGO 405 e que M" Favart, l'habile transfuge des Français, allait jouer pen- dant plusieurs mois de suite. Le grand jour une fois venu, malgré la pluie et la neige d'un temps froid et maussade, dans l'avenue d'Eylau où demeure l'auteur de Notre-Dame de Paris, ce fut, de dix heures du ma- tin à trois ou quatre heures du soir, un défilé perpétuel de corpo- rations ou d'individus isolés, que, d'une fenêtre de son hôtel, entouré de fleurs et de verdure, entre son petit Georges et sa chère Jeanne, le vieux poète contemplait, le cœur gonflé de joie et d'orgueil, le visage pâle d'émotion, les yeux baignés de larmes. Elèves des classes primaires, des lycaes, de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole normale supérieure ; conseil municipal de Paris ; journalistes fran- çais et belges ; sociétés de tir et de gymnastique ; une vingtaine de sociétés musicales, avec cinq mille exécutants jouant ou chantant l'inévitable Marseillaise ; membres du comité des gens de lettres; chambres syndicales ; députations innombrables de soldats de toutes les armes, d'employés de toutes les administrations, d'artisans de tous les métiers; garçons de magasin; commis-voyageurs; Ligue de la paix ; Union française de la jeunesse; francs-maçons ; féli- bres ; association littéraire internationale ; délégués de l'Alsace- Lorraine; étudiants roumains, tchèques et slaves; jusqu'à deux Chinois en robes bleues, tenant leur parasol à la main; drapeaux agités ; chapeaux en l'air ; palmes et couronnes à profusion ; cla- meurs et vivats de la foule ; des photographes qui dressaient leur objectif; des dessinateurs de feuilles illustrées qui prenaient des notes ; des crieurs ambulants qui annonçaient, moyennant cinq centimes, la biographie, le panégyrique et même l'apothéose du grand homme; plus de trois cent mille personnes, réunies sur le même point et dans la même pensée : quelle procession intermi- nable, quel étrange tableau, ettoutcela, disons-le, spontanément, librement, sans aucune intervention de la police, sans aucun appareil de surveillance! Pendant ce temps-là , au Trocadéro, on assistait à une séance de littérature et de chant, présidée par Louis Blanc et où figu- raient les meilleurs acteurs des principales scènes parisiennes. Donnée au bénéfice des pauvres, elle ne produisit pas moins de 25,000 francs, qu'on décida d'affecter à un asile, décoré du nom