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                          VICTOR HUGO                             403
 Anacréon et Pindare firent place chez lui à Isaïe et à Jérémie et,
 du haut des âpres rochers, en face des flots écumants, au milieu
 de la foudre et des éclairs, sa Némésis vengeresse infligeait de durs
 châtiments aux puissants du jour qui affectaient d'en rire. L'heure
arriva où la faveur publique, abandonnant de plus en plus le sou-
verain, se reporta d'autant vers l'exilé, et, lorsqu'à propos de
l'Exposition universelle de 1867, le Théâtre-Français reprit Her-
nani (qui, comme toutes les autres pièces de l'auteur, venait d'être
jusque-là à peu près.interdit, du moins à Paris), les spectateurs,
non sans un vif désir d'opposition, couvrirent de leurs bravos son
œuvre jadis si contestée. L'événement du 4 Septembre 1870 allait
lui rendre, avec le retour au pays, plus d'autorité que jamais.
Dorénavant, s'étant vu enlever une de ses filles, son gendre, sa
femme, ses deux fils, il ne devait plus vivre que pour l'amour de
ses petits-enfants et pour l'expansion de ses idées. Garde national
septuagénaire, il veilla aux remparts contre l'ennemi ; président
d'une quantité d'assoeiations fraternelles et de comités radicaux,
il prêcha sur tous les tons la concorde, la tolérance, le progrès
universel, un avenir meilleur pour l'humanité. Il a été écouté par
les uns avec un enthousiasme bruyant, par les autres avec un
dédain railleur; mais à travers l'Europe, à travers le monde, tous
l'ont entendu.
   L'anniversaire de sa soixante-dix-neuvième année surtout a été
l'occasion ou le prétexte d'une série de manifestations, un peu
exagérées dans la forme, flatteuses en somme, puisque la majorité
des habitants de la capitale et une bonne partie des citoyens de la
nation s'y sont associés d'intention ou de fait. Tout avait commencé
par Besançon, la vieille ville espagnole, où Victor Hugo était né
par un hasard de garnison. Le 27 décembre 1880, une plaque
commémorative fut placée solennellement sur sa maison natale :
cortège des autorités ; discours d'apparat, prononcé par un autre
Bisontin, le chef du cabinet du ministre de l'instruction publique ;
lettre de remerciements lue par Paul Meurice de la part du poète ;
couronne d'or posée sur son buste ; plusieurs de ses odes débitées
au théâtre; la Marseillaise, jouée et chantée par cent cinquante
exécutants ; banquet au palais Granvelle ; retraite aux flambeaux ;
musique militaire sur toutes les places ; illumination de tous les