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370                 LA REVUE LYONNAISE
           Dont la moindre cité porte un nom de victoire,
           Oui, si vous oubliez, pour vous venger du roi,
           Le grand Condé jetant son bâton à Rocroy,
           Jean Rart liant son fils à son mât de misaine,
           Luxembourg conquérant des villes par douzaine,
           Et tant de glorieux et terribles combats,
           Et Duquesne impassible au fort du branle-bas,
           Et Vauban sous Maestricht et la mort de Turenne ;
           Si, par mauvais esprit de colère et de haine,
           Vous osez à ce point renier le passé,
           Toute la gloire acquise et tout le sang versé
           Par les vieilles maisons dont, après tout, nous sommes :
           Si vous faites cela, Français et gentilshommes,
           Si vous trempez les mains dan» cette trahison,
           L'édit qui vous poursuit alors aura raison !
           Le roi ne sera plus un tyran, mais un juge ;
           Et si contre ses coups vous trouvez un refuge,
           Si même à triompher vous pouvez parvenir,
           Que la foudre du ciel tombe pour vous punir !

   Encore qu'elle soit un peu longue, on me pardonnera, j'en suis
sûr, d'avoir cité tout entière cette tirade qui est d'un mouvement
superbe et d'un grand effet.
   Mais voyez combien il est juste de dire qu'il y a une vérité théâ-
trale et une vérité historique, lesquelles n'ont rien de commun. Au
xviie siècle, on entendait le patriotisme autrement qu'aujourd'hui.
On appartenait à son parti, à sa faction, bien plus qu'à son pays.
Les guerres religieuses du seizième siècle avaient été pour beau-
coup dans cet état des esprits. Puis on avait vu Gaston d'Or-
léans et le duc d'Enghien appeler sans scrupule l'étranger à leur
aide dans un but d'ambition et de vengeance. Al'époque de la révo-
cation de l'édit de Nantes, le magnifique langage que tient ici Sa-
muel aurait probablement rencontré peu d'auditeurs pour l'écouter
et surtout pour le comprendre. Et cependant M. Coppée a eu raison
de le luimettre dans la bouche ; c'est inexact, mais c'est vrai.
   Le chef protestant qui avait introduit l'envoyé de Gruillaume
d'Orange, le baron de Groix-Saint-Paul, furieux de voir échouer
un projet qu'il regardait comme la seule chance de salut de ses co-
religionnaires, accuse Samuel d'être vendu à Mme de Maintenon
avec laquelle on sait son entrevue. Samuel se défend énergiquement
mais par un scrupule peut-être excessif, il refuse de s'associer
à une entreprise ourdie par le baron pour donner aux protestants