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346 LA R E V U E LYONNAISE où le clergé, tant séculier que régulier, ne brillait guère par la pureté de ses mœurs, mérite à cet égard, par son austérité, toute notre confiance. Je crois qu'on peut répondre affirmative- ment. Sans doute nous n'avons d'autre témoignage que le sien ; mais il trahit si facilement lui-même tous ses défauts, petits ou grands, qu'il aurait certainement fourni, à son insu, des arguments contre lui-même, s'il était coupable. D'ailleurs, en homme pru- dent, il évitait le péril de peur d'y succomber. On peut lire à ce sujet son aventure avec la fille naturelle du cardinal Ottaviano. Il repousse énergiquement le faux texte de l'Écriture inventé par les prêtres impurs pour les besoins de leur cause, et il établit lon- guement que non seulement l'apôtre saint Paul n'a jamais dit : « Si non caste, tamen caute1, » mais encore qu'il a dit à maintes reprises tout le contraire. Salimbene demeura toute sa vie simple frère mineur. Quoiqu'on ne le voie pas manifester de sentiments d'ambition, il est probable, si les honneurs étaient venus à lui, qu'il ne les eût pas refusés. Gar on lui apprit un jour que son père avait eu jadis la pensée de faire une nouvelle tentative pour le ramènera la vie laïque, en s'adres- sant au pape Innocent IV ; et il nous dit à ce propos, sans protes- ter le moins du monde contre la réalisation de l'hypothèse qu'il exprime : « Je ne pense pas que le pape eût consenti à la demande de mon père; mais peut-être, pour le consoler, m'eût-il donné un évêché ou quelque dignité. » C'est alors qu'il aurait pu mettre en pratique ses belles théories sur les devoirs des prélats, théories qu'il a développées dans son livre de Prelato et insérées ensuite dans sa Chronique. Quoiqu'il en soit, les dignités ne vinrent pas, et Salimbene dut se contenter, dans son ordre, du rôle modeste de prédicateur. Si nous l'en croyons, il avait beaucoup de succès dans la prédication et la controverse. Il nous en donne même un exem- ple : c'est un plaidoyer prononcé devant trois prêtres séculiers de ses amis, en faveur des institutions monastiques et contre les atta- ques dont elles venaient d'être l'objet dans le concile deRavenne. Sa discussion ne manque assurément ni d'ordre ni de fermeté, elle est vigoureuse et ornée de preuves à l'appui. On ne peut s'en faire 1 « Si vous n'êtes chaste, soyez prudent. »