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344                   LA R EVITE LYONNAISE
Guido demanda un entretien particulier avec son fils. Les moines
y consentirent, mais en réalité ils restèrent à écouter derrière la
muraille. Cet entretien n'eut pas les effets qu'en attendait Guido :
c'est en vain qu'il s'emporta contre les moines, les traitant de pis
sintunici (id est qui in tunicis mingunt), c'est en vain qu'il parla
à son fils des larmes maternelles et qu'il pleura lui-même devant
lui : Salimbene resta inflexible. Revenant alors devant le couvent,
le malheureux père se roula à terre en maudissant ses deux fils.
« Et il s'éloigna désolé au delà de toute expression, nous dit Salim-
bene; mais nous demeurâmes pleins de joie et nous rendîmes grâce
à Dieu. »
    Salimbene ne montra pas plus d'émotion devant les diverses per-
sonnes qui vinrent plus tard le visiter de la part de sa famille. Une
d'elles lui dit un jour : « Votre père vous salue, et votre mère
désire vous voir une seule fois : peu lui importe la mort ensuite. •»
Mais Salimbene : « Eloigne-toi de moi, misérable, je ne veux plus
 t'entendre; mon père est un Amorrhéen et ma mère une Céthéenne. »
On ne croirait pas à une pareille réponse s'il ne la rapportait lui
même. Il est une seule personne de sa famille pour laquelle il té-
 moigne une véritable affection, c'est la fille de son frère Guido,
 sœur Agnès. C'est pour elle qu'il écrivit ses divers ouvrages, et
 qu'il s'efforça d'acquérir un style simple et facilement intelligible.
 C'est à la suite d'un désir manifesté par elle qu'il établit toute la
généalogie de la famille di Adamo, et qu'il l'intercala dans sa Chro-
nique sous l'année 1229. Il ne parle jamais de sœur Agnès qu'en
 des termes pleins de tendresse, qui reposent un peu des scènes si
dures que nous venons de raconter.
   Le trait principal de la physionomie de Salimbene, c'est sa pas-
sion pour les voyages, et c'est précisément ce qni rend sa Chroni-
que si intéressante; car non seulement il nous rapporte ce qu'il a
vu lui-même et ce qu'il a entendu dire pendant ses voyages, mais
encore, dans la suite, il est bien plus attentif aux divers événe-
ments qui s'accomplissent dans les pays qu'il a jadis visités ; il s'en
enquiert avec plus de soin, et il les raconte avec plus d'intérêt. On
pourraiten citer de nombreux exemples. Je me bornerai à un seul :
s'il donne une telle abondance de détails sur les grands combats li-
vrés sur mer par les Pisans en 1282 et en 1284, c'est que les quatre