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340 LA REVUE LYONNAISE bien (quia tu salisti in bene), en entrant dans la bonne religion. » Or Salimbene, qui nous raconte ces détails, ajoute qu'il reçut ce nom avec plaisir, mais que, cependant, il eût préféré être appelé Denys. Pour bien connaître Salimbene il n'est pas inutile de rechercher quelles raisons particulières ont pu le décider à entrer si jeune dans un cloître. Il est certain qu'il n'avait aucun goût pour le mé - tier des armes, et nous aurions mauvaise grâce à nous en plaindre; car, s'il eût pris une part active aux événements, il est probable qu'il ne les eût pas racontés. En Italie et spécialement en Lombardie, au treizième siècle, à moins d'opter pour la vie des cloîtres, il fallait, par cela seul qu'on habitait un quartier plutôt qu'un autre, une ville plutôt que la ville voisine, et que cette ville elle-même s'était mise du parti de l'em- pire ou du parti de l'Église, il fallait se consacrer sans réserve à une existence de combats incessants et d'alertes continuelles. Quand s'arrêtait la lutte, on ne peut pas dire nationale, mais régionale, pour ou contre l'empereur, la trêve semblait attendue avec impa- tience par les villes alliées pour se déchirer entre elles, et quand s'apaisaient les querelles de cité à cité, commençaient aussitôt les luttes intestines entre les familles de la même ville, et souvent les drames les plus sanglants entre les membres de la même famille. Les haines personnelles se compliquaient des haines politiques, des inimitiés de famille, des rivalités locales. La guerre était la règle, la paix l'exception. On comprend fort bien que certains carac- tères pussent vivre et se complaire dans cette confusion, mais on comprend aussi que certains autres aient voulu s'écarter de ces luttes interminables où n'étaient souvent engagées que des ques- tions mesquines, et où la seule idée vraiment élevée de l'époque, celle de la résistance aux empiétements de l'empire, restait pres- que toujours au second plan. Salimbene était assurément d'un caractère doux et peu turbu- lent. Quand il parle de ses années de jeunesse, il nous raconte les méfaits des enfants terribles de son âge, mais en spectateur qui ne s'était pas mêlé à l'action. Il n'eut jamais sa part dans les coups de courroie que le vénérable Guidoliuo da Enzola distribuait si libéralement aux enfants de Panne qui s'amusaient à jeter des pier-