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264                 LA R E V U E LYONNAISE
deux pièces allèrent sur une colline à droite pour les empêcher de
nous prendre à dos. Mon canon en fit une boucherie terrible, tandis
que leur artillerie à cheval, que nous ne leur soupçonnions pas,
faisoit sur nous un feu d'enfer. Mais ils tirent heureusement trop
haut et nous ne perdions pas beaucoup de monde. Cependant aper-
cevant qu'ils avançoient toujours sur nous malgré notre fusillade,
nous battîmes en retraite pour aller rejoindre le reste de l'armée;
mais quelle fut notre douleur de voir la déroute déjà commencée !
 Un bataillon de grenadiers avait lâché pied sans faire le coup de
fusil, ce fut le signal du désordre et de la fuite.
  Mon domestique que j'avois laissé dans la plaine avec mes deux
chevaux, voyant la déroute commencée avant mon arrivée, piqua
des deux et se sauva. Mes deux pièces de canon, mon caisson et
mes canonniers grimpés dessus se sauvèrent au grand galop des
chevaux. Je me trouvai donc en descendant la colline tout seul à
pied entre notre armée qui fuyoitdans le plus grand désordre et
la cavalerie prussienne qui la poursuivoit avec avantage. J'ai fait
à peu près une lieue à pied en courant et prêt à tomber en défail-
lance lorsqu'un régiment de cavalerie, ci-devant Dauphin a passé
près de moi; un cavalier m'a pris en croupe, ce qui m'a sauvé.
Sans les deux régiments de cavalerie qui, tout en rétrogradant, fai-
soient de temps en temps volte-face à l'ennemi, il ne restoit pas un
se al individu du bataillon. J'ai vu souvent à cinquante pas de moi
des houzards prussiens sabrer des volontaires un peu lents dans
leur retraite. Mon domestique en fuyant a reçu un coup de sabre
dans son manteau qui a coupé les rênes de mon cheval qu'il me-
noit. Heureusement il a sauvé mon porte-manteau qui étoit sur le
sien. Le général Neuvingue qui a aussi perdu la tête a été fait
prisonnier. Après avoir escadronné une heure avec le régiment
Dauphin et passé à gué une rivière qui me mettoit à l'abri des
Prussiens, je suis descendu de cheval et ayant rencontré près de
cent cinquante fuyards du bataillon, nous sommes arrivés sains et
saufs à Kreuznach à la tombée de la nuit. Je me souviendrai
longtemps de cette journée du 27 mars. Les généraux Gustine et
Houchard apprirent par des espions, mais un peu tard pour nous,
que les Prussiens étoient dans ce pays avec une armée formidable,
dont les dix-sept mille hommes qui nous avoient battus étoient