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CLAUDE DR RUBYS ET LA L I B E R T É DE T E S T E R 171 véritable affection. Si tous les enfants sont égaux devant la famille, comme tous les citoyens le sont devant la loi, il faut que le ma- riage ait sa dignité, il faut que la légitimité ait ses prérogatives, que les services rendus aient leurs privilèges et surtout que le père conserve intacte sa puissance. Oui, la liberté testamentaire peut seule donner au travail, qui a conquis la propriété, un couronne- ment légitime, et au chef de la maison, qui a élevé ses fils, une au- torité nécessaire. Pour le travail et la propriété cette liberté est un couronnement légitime ; car il n'est rien de plus équitable que de reconnaître à l'homme qui a fondé sa fortune par son labeur, le droit d'en disposer comme il l'entend, à son dernier jour. Pour le père elle est une autorité indispensable ; car, s'il se survit dans ses des, cendants, comment lui refuser le droit de se survivre dans son hé- ritage? Partout où le patrimoine de la famille se morcelle,l'autorité de son chef s'amoindrit. Quand, par une conséquence forcée de la division du sol, la loi contraint l'enfant à fuir le toit paternel, à cher- cher au loin le labeur dont il attend son pain quotidien, quand les pierres du foyer domestique doivent être fatalement dispersées au lendemain de la mort de celui qui les a réunies, qui conservera la tradition des ancêtres ? Qui disposera le fils à continuer l'œuvre commencée par le père? Qui respectera dans la personne de celui-ci une souveraineté morale dépouillée de son attribut le plus efficace, la puissance de répandre ses libéralités et de faire des heu- reux? Quel sera le contre-poids à la réserve légale ? Où le père trouvera-t-il le moyen de plier à sa volonté un fils émancipé? Comment triomphera-t il d'une résistance passive, comment impo- sera-t-il la loi du travail à celui qui prétend la méconnaître, et lui faudra-t-il, pour récompenser l'enfant qui s'y soumet courageuse- ment sous ses yeux, recourir à un abandon anticipé qui le prive irrévocablement du fruit de ses épargnes, à l'heure même où sur le déclin de la vie, il s'apprête à en jouir? Faudra-t-il que le vieillard, chef découronné de la famille., aille désormais mendier comme une aumône, de ses fils enrichis par lui, le pain de ses der- niers jours ? Telle est la thèse que développe avec ardeur Claude de Rubys, et qui apparaît moins dans son langage hérissé de lourdes citations et d'exemples empruntés à l'antiquité hébraïque ou profane, que