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                           L E T T R E S DE V A L E R E            113
les troupes du fort Saint-Jean et l'artillerie, à revers par les trou-
pes du fort Montessuy, était réprimée. Le surlendemain Valère
visita la Croix-Rousse encore jonchée des débris de barricades.
Les maisons de la place étaient déchirées, éventrées, à demi dé-
molies parles boulets. On procédait aux arrestations. Le 19, il j'-
en avait douze cents.
   Lyon était en état de siège. Les arrestations continuaient. Bien
que le Censeur ne fût en rien le représentant du socialisme, qui
avait alors pour porte-voix à Lyon le Peuple Souverain ; bien
que Kauffmanu n'entretînt même aucun rapport avec les membres
des sociétés secrètes, il pouvait d'un instant à l'autre être arrêté.
Les réactions sont aussi féroces que les révolutions.
   Pourtant il ne voulut pas quitter son domicile. Un matin, Valère
y arriva en toute hâte pour lui apprendre que l'armée cernait suc-
cessivement les quartiers de la ville et que l'on faisait des perquisi-
tions pour découvrir les armes et les munitions que l'on supposait
cachées chez les particuliers. Kauffmann lui remit deux paquets de
cartouches qui étaient demeurées de la garde nationale. La rue
était encore libre. Valère, sachant que Bossan avait aussi quelques
munitions, courut lui donner le même avis qu'à Kauffmann. En
passant sur le pont d'Ainay, il jeta dans la Saône les cartouches
de celui-ci. Le quartier de la presqu'île était cerné. Bossan était
absent, mais sa sœur, déjà prévenue des visites domiciliaires, avait
précipité les cartouches dans les privés.
   Un des amis de Valère, Isidore Ducreux, avait un vieux fusil de
la garde nationale, caché dans son « linge sale », ainsi qu'à Lyon
nous appelons le garde-linge. Sa famille étant notoirement connue
pour légitimiste, on n'opéra pas cette fois de perquisition chez
elle ; mais quelques années plus tard, l'Empire étant venu, la po •
lice apprit que le père Ducreux, papetier de sa profession, ven-
dait en cachette, aux vieux légitimistes de la vieille roche, des
portraits du comte de Ghambord. En République, personne ne voit
de mal à mettre en montre des portraits du comte de Ghambord ;
mais il n'en était pas de même sous l'Empire. Donc, en juillet 1853,
la police opéra une visite domiciliaire chez les Ducreux. Valère ne
se souvenait pas si l'on put saisir les portraits ; mais en tout cas,
connaissant les us constants de ceux qui ont des armes cachées,
     FÉVH. 1881. _ T. I.                                       8