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                             DU SUICIDE                                97
des passions, c'est-à-dire une énergie apparente, aussi différente
de l'énergie réelle que la surexcitation fébrile d'un malade l'est de
la force réglée d'un homme sain et bien portant.
   Il n'est pas nécessaire que le rêveur se précipite, pour se guérir
de son mal, au milieu des tempêtes de l'Océan ou du tumulte de
la guerre. Il suffit qu'il fasse choix d'une profession, qu'il mène
une conduite régulière et qu'il trouve dans la vie de famille un
emploi convenable de ses affections, de ses pensées et deson acti-
vité elle-même. Que si ces conditions lui paraissent difficiles à
remplir, la carrière du dévouement lui est ouverte et lui offrira
d'amples dédommagements à ce qui pourrait lui manquer d'ailleurs.
Il n'est pas besoin d'entrer dans un cloître pour se dévouer au bien
de ses semblables. On peut le faire en restant dans le siècle, en
pratiquant la bienfaisance et la philanthropie et en défendant les
intérêts généraux contre des ambitions individuelles tz'op entre-
prenantes. Celui qui identifie ainsi sa vie particulière à la vie sociale,
trouve dans le bonheur public l'oubli de ses malheurs propres et ne
songe plus à s'arracher une existence qu'il a su rendre si large et
si féconde. Que sera-ce si, par delà cette vie d'un jour, sa raison
lui en fait entrevoir une autre qui ne finira pas, où toutes les dou-
leurs seront calmées, où toutes les plaies seront guéries, où tous les
actes de patience et de courage seront comptés et où l'auteur de son
être le récompensera de l'avoir agrandi par la pratique de la vertu,
au lieu de l'avoir amoindri et perdu par sa faute? La vie vertueuse,
déjà si belle par elle-même, resplendira à ses yeux d'un nouvel
éclat aux rayons consolateurs de celte ineffable espérance, et il s'y
attachera davantage, au lieu de songer à la quitter.
                                                       FERRAZ.




      FÉVR. 1881. — T. I.                                         /