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LE SUICIDE 89 qui sont inégalement dépravés, mais qui ont également à se plaindre des rigueurs du sort et dont la situation est également intolérable. L'un ne trouvera rien de mieux à faire, pour l'adoucir, que de s'approprier le bien d'autrui et, s'il le faut, d'assassiner pour s'en mettre en possession; l'autre, au contraire, aimera mieux se délivrer de sa propre vie que de porter la main sur la vie ou sur la propriété de son semblable. Une prostituée, qui a toute honte bue et qui n'a plus rien à perdre, n'hésitera pas à se livrer au vol ou à la mendi- cité, tandis qu'une personne qui se respecte, mettra fin à ses jours plutôt que de se dégrader à ce point. L'assimilation qu'on a voulu établir entre le suicide et l'homicide ne nous paraît donc pas ad- missible : il nous a suffi d'en analyser les deux termes pour en montrer l'inexactitude. III REMÈDES CONTRE LE SUICIDE Bien que le suicide soit moins criminel que l'homicide, il ne laisse pas d'être profondément regrettable : c'est un des fruits les plus amers de la civilisation, c'est-à -dire de la réflexion et des passions que l'état social développe. L'être vivant qui suit la pente de sa nature et obéit aux lois qui le régissent, ne songe guère à se donner la mort. C'est à tort qu'on a prétendu que le suicide était connu et pratiqué par certains ani- maux, lien est, à la vérité, qui se laissent mourir, quand ils sont privés de leur liberté ou qu'ils ont perdu soit leur maître soit leur compagnon ; mais cela ne veut pas dire qu'ils aient eu le dessein de mettre fin à leurs jours. Ce fait s'explique simplement par le regret qu'ils éprouvent, regret qui étouffe en eux la sensation de la faim et les empêche de prendre les aliments nécessaires à leur subsistance. Le suicide est très rare chez les peuples barbares et chez les habitants des campagnes, parce que, si leur être est moins dé- veloppé, il est mieux équilibré. D'abord, l'équilibre qui doit exister