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86                   LÀ R E V U E LYONNAISE
et une abdication de la volonté et de la raison. Ici encore, c'est la
nature qui envahit et opprime l'humanité dans l'homme même ; car
le propre caractère'de ce dernier, c'est d'avoir la haute main sur
sa vie et d'en diriger les mouvements vers le but que son Å“il a
marqué. Dans ce cas comme dans les précédents, la culpabilité
du suicide est évidente : l'homme se tue, parce qu'il s'est amoindri
moralement, parce qu'il n'est plus vraiment et complètement
homme.
    Nous nous sommes appuyé, on l'a vu, pour combattre le suicide,
 sur le principe de la perfection spécifique de l'homme, qui est notre
 principe fondamental et essentiel. Suivant nous, l'homme doit tendre
à la perfection, non au bonheur, bien que celui-ci soit l'ordinaire
 conséquence de celle-là ; il doit constamment augmenter son être,
 sans trop se" préoccuper de savoir s'il en résultera pour lui une
 augmentation de bien-être. Mais l'être de l'homme se compose d'un
 élément animal et d'un élément humain, de la vie et de la sensa-
 tion d'une part, de la raison et de la volonté $e l'autre. Or c'est
 l'élément humain qu'il doit développer de préférence, s'il veut
 réaliser toute la perfection que sa nature comporte et atteindre en
 même temps au vrai bonheur, qui n'est que la perfection sentie
 et goûtée. Si pendant qu'il goûte ce bonheur intérieur et essentiel,
 qui découle de l'accomplissenit de sa destinée, des peines exté-
 rieures et accidentelles viennent l'assaillir, il s'en inquiète mé-
  diocrement; si, pendant que l'homme se dilate en lui dans la joie
  d'être et de s'agrandir, l'animal crie et se débat sous les vives
 pointes de la souffrance, il le laisse se débattre et crier. Sembla-
  ble à ce martyr du christianisme naissant, qui ne sentait pas la
  douleur de la lapidation, parce qu'il voyait le ciel ouvert sur sa
  tète et s'y délectait déjà en espérance, l'homme véritable est peu
  sensible aux blessures du corps, parce qu'il vit par la raison
  dans le ciel de l'idéal. Il peut s'attrister des perturbations qui sur-
  viennent dans sa vie sensitive; mais s'en désespérer et surtout se
  tuer pour cela, il n'y songe pas. Ce serait supprimer l'essentiel à
  cause des maux attachés à l'accessoire ; ce serait sacrifier la mora-
  lité, qui est une fin rationnelle et suprême, au plaisir, qui n'est
  qu'une fin sensible et subordonnée.
     Le suicide n'est pas seulement une dérogation à nos devoirs