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20 LA R E V U E LYONNAISE l'ensemble des habitudes de ces artisans expatriés, et s'il nous était donné de pénétrer les motifs de chacune d'elles, on les verrait, j'en suis persuadé, inspirées par l'appât d'une situation meilleure, ou par la nécessité seule. Voyons ce qui s'est passé à l'égard de Jean Neumeister et reve- nons a l'œuvre remarquable de Claudin. Jean Neumeister est de Mayence, Moguntinus. Il a été l'élève, l'ouvrier de Gutemberg, peut-être même son compagnon ou asso- cié, si l'on s'en rapporte à une inscription manuscrite, datée de 1460, vue sur un vieux livre, par M. Gotthelf Fischer, professeur et bibliothécaire à l'université de Mayence et signalée par lui dans son essai sur les Monuments typographiques de Jean Gutem- berg (Mayence, an X, in-4°). Les ouvriers de Gutemberg, comme ceux de Fust et de Schœffer se dispersèrent, pour la plupart. L'Ita- lie, cette mère des arts, attira bon nombre d'entre eux. En 1464 Sweynheim et Pannartz fondèrent la première imprimerie ita- lienne, au monastère de Subiaco, près de Rome. Vers 1466, une autre de leurs colonies, conduite par Ulrich Hahn, s'établit à Rome même, sous le patronage du cardinal de Torquemada,ou deTurrecre- mata, suivant la forme latine de son nom. Neumeister appartint, suivant toute apparence, à l'un de ces deux groupes et probable - ment au second, car on peut voir un hommage à son protecteur dans sa persistance à reproduire le plus connu de ses ouvrages, les Meditationes ou Contemplati'ones.Ce fut sans doute à Rome qu'il rencontra Emiliano Orsini, membre d'une illustre famille de la pé- ninsule. Avide d'être initié dans l'art des Teutons, nom sous le- quel la typographie est alors souvent désignée, et désireux d'enrichir son pays de ses bienfaits, Orsini s'empara de l'imprimeur mayen- çais, l'emmena chez lui à Foligno, petite ville épiscopale de l'Om- brie, le logea, lui, ses ouvriers et son matériel, dans son propre palais et lui fournit tout l'argent nécessaire à son établissement, Neumeister s'y met à l'œuvre. En 1470, paraît le premier fruit de leur association : Historia belli adversus Gothos, par Léonard Bruni, d'Arezzo. Une édition des Lettres familières de Cicéron suit bientôt, et enfin apparaît, en 1472, un livre dont la publication à elle seule, Claudin le proclame avec raison, suffit pour immorta- liser le nom de Neumeister, la première édition du poète national