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8           '               LA REVUE        LYONNAISE
   et nous révèle quelque cliose que l'hommepeut estimer encore plus
  que la vie, aurait dû être pour lui une raison d'autant plus forte de
  ne pas détruire en lui un être d'une puissance si grande,
  si supérieure aux mobiles sensibles les plus puissants, et par con-
  séquent de ne pas se priver de la vie '. »
      Quand le christianisme s'empara du monde romain, la question
  du suicide s'imposa à lui comme tant d'autres et il dut songer à la
  résoudre. Les livres saints ne lui fournissaient sur ce point que des
  données insuffisantes.Ils disaient bien : « Tu ne tueras point, non
  occides » ; mais c'était, à ce qu'il semble, faire violence à ce simple
  texte que d'en déduire l'interdiction de la mort volontaire. Gepen-,
  dant le souffle platonicien, qui animait la plupart des Pères, et
  l'esprit d'une religion qui divinise la douleur et érige l'espérance
  en vertu, les portèrent bientôt à condamner le meurtre de soi-
  même. Les conciles d'Auxerre et deTroyes proclamèrent les suici -
  dés passibles des peines les plus graves, et le pape Nicolas Iep dé-
  fendit aux fidèles de prier pour eux et de leur rendre les derniers
  honneurs. A partir de ce moment, le suicide devient plus rare.
  L'idée de damnation attachée à cet acte, la pensée que l'existence
  de l'homme a un but sérieux et ne doit pas être légèrement rejetée,
  la conviction que la souffrance terrestre patiemment supportée est
  l'infaillible moyen d'acquérir la céleste béatitude, tout contribua à
, ce résultat salutaire. Ajoutons que les monastères, qui s'établirent
  en grand nombre à cette époque, offrirent aux cœurs blessés dans
  le combat de la vie un refuge qu'ils auraient sans cela cherché dans
  la mort.
   Cet état moral subsistait encore au xvii e siècle. Aussi le suicide
apparaît rarement dans la littérature de ce temps-là, et, quand il s'y
montre,c'est moins comme un refietdes mœurs quecommeune tradi-
tionde l'antiquité. Dans la société,on continue à substituer au meurtre
de soi-même, cette immolation spirituelle, qui se traduit par l'ob-
servation plus ou moins stricte des vœux monastiques et par les
pleurs plus ou moins amers de la pénitence. La mort sanglante du
suicidé antique est remplacée par une réclusion perpétuelle dans
l'enceinte paisible des cloîtres. C'est le .temps où des pécheurs,

    1
        Kanfc, Doctrine delà vertu, trad. deBarni, p. 77.