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— 126 — quelques jours, je visitais l'appartement d'une dame qui avait hérité de trois char- mantes tapisseries du xvm e siècle représentant des scènes champêtres d'après Huet : l'Escarpolette, la Cueillette des cerises, le Dénicheur d'oiseaux, d'une fraîcheur, d'une grâce, d'une poésie!.. Cette dame était étonnée, presque choquée de mon enthousias- me : elle n'y comprenait évidemment rien : « Vous trouvez ça joli S Ah! bien tant * mieux. Moi ça m'ennuie et puis il faut que je m'occupe de les entretenir, de les brosser, quel ennui !.. ». — « Alors, madame, vendez-les : vous en trouverez un gros prix ». — « Ah ! non, j'en ai hérité de mon père, alors je les garde ». Mais, ce qu'il y a de plus lamentable, c'est de voir dans une maison de beaux objets anciens noyés dans un ensemble abominable. Je connais un salon délicieux : tapisserie, sièges, console, encoignures, glaces, pendules n'ont jamais bougé de la pièce Louis XVI dans laquelle ils ont été mis vers 1770. On a commencé — première profanation — à ajouter, vers 1860, des fauteuils en velours vert style Louis XV. Mais depuis, on a fait pire : les propriétaires actuels ont placé, bien en évidence, un pêcheur à la ligne en terre cuite de couleurs sur un socle en peluche rouge, et un beau jour — pour ses étrennes ! — la maîtresse de maison a fait venir des magasins du Lou- vre une table ronde laquée gris qu'elle fait admirer à tous les amis et connaissances comme la plus belle pièce de son salon. C'est à pleurer. Certes oui, il y a encore beaucoup de belles choses en France, mais elles sont mal réparties et je me permets de souhaiter que nombre de personnes se séparent d'objets dont elles ne comprennent ni n'apprécient la beauté. M.B. P.-S. — Je signale dans les Œuvres libres du mois d'août une nouvelle de Pierre Mille, « la Détresse des Harpagon » qui plaira aux amateurs d'ancien et dont le dénoue- ment imprévu les réjouira.