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marquer que les successeurs des Girard avaient obtenu de M. Sain-Rousset un sursis
d'un an pour la démolition des constructions élevées indûment sur le pré de Belle-
cour, sursis que les Girard avaient vainement sollicité. Ils n'ont plus rien, disait leur
ancien client, « que la calomnie se taise au moins devant cette mère en larmes et ces
cinq enfants ».
     Les Girard quittèrent bientôt Lyon à ce qu'il semble ; M m e Girard alla en Sar-
daigne, à Oristano, pour y chercher une position pour son mari et pour ses enfants,
mais ils se fixèrent à Paris où ils firent imprimer, en 1841, une brochure in-8° de
36 pages, la Reine des Tilleuls ou la Limonadière de Bellecour à ses amis et à ses ennemis *5'
Ce mémoire — on pourrait dire ces mémoires — elle l'écrit, dit-elle, pour répéter son
«cri de guerre», «Là reine des Tilleuls n'est pas morte!».Elle conte savie,ses malheurs,
et les documents énumérés plus loin ne la contredisent que sur quelques points de
détail. Elle pardonne à ses ennemis, à M. de Vauxonne, à qui on l'a « livrée pieds et
poings liés » ; elle invoque « la reine des Anges et le Dieu de l'univers », et, affirmant
qu'elle n'a pas « abdiqué », elle s'écrie : « Ainsi donc, ramenez la famille Girard si
cruellement expulsée ; ramenez-la dans le local précieux que son génie inventif, ses
soins et ses énormes dépenses ont embelli pour doubler les jouissances quotidiennes
du public lyonnais... On a soif de voir la reine... l'on veut venir se désaltérer sous les
ombrages des Tilleuls ! ».
     Pauvre reine! Elle était oubliée déjà. Et pourtant, le Pavillon où les concerts
avaient repris le 10 avril 1840, s'appelait encore « le pavillon Girard ». Le Fanal du
Commerce, annonçait, le 3 septembre 1841 : « On se rappelle la célébrité, passagère
comme tout ce qui est dans ce monde, dont a joui, il n'y a pas longtemps, M m e Girard,
limonadière, et surnommée la reine des Tilleuls parce qu'elle figurait, assez majestueu-
sement, il est vrai, sur le trône fragile qui l'a entraînée dans sa chute. Pour reconquérir
cette célébrité qui lui échappe, elle vient de publier, à Paris, un mémoire enrichi de
plusieurs portraits, qui se vend 1 fr. 50. Si la curiosité fait le succès, le mémoire de
M m e Girard ne peut manquer d'en obtenir ».
      Ce fut là son oraison funèbre ; depuis, il ne fut plus question d'elle et l'on ne sait
rien de sa vie, sinon qu'en 1845 elle habitait à Paris, rue de la Jussienne, 4, lorsqu'un
jugement du tribunal de la Seine, en date du 6 novembre, et où la profession de son
mari n'est pas indiquée, ordonna que, sur les actes de l'état-civil la concernant, son
vrai nom « Françoise Machiorletto » remplacerait celui de « Françoise Valnois ».
      Elle ne vit point la restauration qu'elle avait espérée et son ancien royaume se


      15. Les seize chapitres de cette plaquette sont intitulés : I. Mon but en écrivant ; II. Le point de départ ;
III. La place Bellecour et ma nouvelle création ; IV. La Révolution de T830 ; V. Mes doubles efforts et
M. Martin, maire ; VI. Mon inspiration et mon prétendu fétichisme ; VII. Mon trône et les alarmes de
l'autorité ; VIII. Ma chute. Mon réduit ; mes 500.000 francs. Ma réhabilitation ; IX. La main du Seigneur ;
X. Encore la main du Seigneur ; XI. Le cri de mes créanciers et du public lyonnais ; XII. Mon droit moral,
mes espérances ; XIII. La Reine des Tilleuls a-t-elle abdiqué i ; XIV. Rémission à mes ennemis de leurs
péchés énormes ; XV. Résumé logique et pittoresque ; XVI. La Vierge et Dieu sur toutes choses. — Trois
illustrations (lithographies) : un très beau portrait de M me Girard par J. Français ; le portrait de deux de ses
fils, et une vue du Pavillon de Bellecour.