Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                                                        — 93 —
telle que Paul de Kock parla d'elle dans un de ses romans ; qu'un magasin du quartier
prit pour enseigne : « A la Reine des Tilleuls », et que madame Girard eût même les
honneurs du théâtre.
      A l'occasion du bénéfice de l'acteur Célicourt, on joua au Gymnase, le 27 novem-
bre 1838, une pièce à couplets, en un acte, intitulée la Reine de Tilleuls, sorte de revue
écrite par un rédacteur de VEntr'acte, M. Francis Bolgary *3. Les personnages de ce
pitoyable vaudeville étaient : la reine des Tilleuls (rôle joué par l'acteur Breton),
Cornibert, inventeur du mouvement perpétuel (Célicourt), Asphalte, inventeur du
bitume (Barqui), Agricole (Isidore), le Cicérone (Auguste), l'Homme de verre (Leroy)
et Ernestine (Mlle Augustine) ; chœurs, pages, invités, consommateurs.
      La scène se passait au Pavillon et, après des dialogues dont les allusions nous
échappent pour la plupart, un page annonçait la Reine des Tilleuls. Aux sons d'une
marche, elle faisait son entrée avec le cérémonial accoutumé — à pied cependant — et
prenait place à son comptoir. On la traitait d'« illustre reine » ; elle se disait admirée de
l'univers entier ; se plaignait de sa haute et lourde coiffure qui lui donnait des maux de
tête, mais qu'elle devait porter, « fut-elle une couronne d'épines ». Elle chantait ensuite
un long couplet sur sa « mission sainte » :
                              •     •   •   •   •   •    •   •   •   •   •   •   •   *   •   *


                            De ces lieux illustre reine,
                            Je plais aux grands, aux petits
                            Et je suis la Souveraine
                            De tous les hommes d'esprit...
      A la fin, elle dansait un menuet ; des flammes de Bengale s'allumaient sur la scène
et le rideau tombait sur une apothéose. Le succès de cette revue fut des plus modestes
et elle ne méritait pas mieux. La pièce, disait le Journal du Commerce, « a plus rapporté
à M m e Girard qu'au bénéficiaire et à l'auteur. Sic vos non vobis ! ».




      Ces foules, ce bruit, c'était peut-être la gloire, mais, hélas, ce n'était pas la
fortune ! Les créanciers du ménage se faisaient plus pressants, la « coalition » des limo-
nadiers revenait à la charge, et, en vertu du traité avec passé la Ville le 12 août 1829,
M. Saint-Rousset, baron de Vauxonne, exigeait la démolition des constructions indû-
ment faites par les Girard sur le pré de Bellecour depuis 1834.
      La politique paraissait même devoir s'en mêler, bien que la police n'eut pas sem-
blé, jusque-là, s'inquiéter beaucoup des opinions légitimistes de la reine. Mais, M m e
Girard ayant arboré, un soir, la coiffure « à la Belle-Poule » à la mode en 1778, le Jour-


   13. « Bolgary », d'après le Catalogue de la Biblioth. de M. de Soleinne, n° 2.97a ; « Bogary t, d'après le
Journal du Commerce (2 déc. 1838).