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— 90 — ment » cette royauté décernée par acclamation, elle qui avoue dans ce même mémoire : « J'ai couru les chances de la publicité ! ». En tout cas, qu'on voie en elle une royaliste exaltée, une naïve visionnaire, ou seulement une commerçante pratique et entendant supérieurement la réclame, il est certain que, de gré ou de force, elle devint reine, en 1837, au moment où ses créanciers devenaient pressants. Paul Saint-Olive a écrit d'elle : « Dans un temps plus rapproché de nous, en 1837, beaucoup de ses contemporains peuvent se rappeler d'avoir vu parader, dans le café de la place Bellecour, la dame Girard en costume de Marie-Antoinette. A certains mo- ments elle montait à cheval et faisait le tour de la salle. Je conserve encore une litho- graphie représentant cette excentrique beauté et un croquis fait d'après nature en absorbant une consommation ». Dans le numéro de VEntr'acte lyonnais du 26 août 1838, on lisait cet « Avis » : « Le plus beau café de Lyon, gouverné par M m e Girard, une Marie-Antoinette de 1838, est devenu, depuis quelque temps, un des établissements les plus remarquables de notre ville, et la maîtresse du lieu une célébrité. Avant de donner l'historique du café, nous offrons à nos abonnés le portrait de la célébrité ». Ce portrait, encarté dans le journal, est une lithographie signée du monographe renversé (J. R.) du caricatu- riste lyonnais Gilbert Randon. Il représente, en buste et de trois quarts, une femme aux traits déjà marqués, dont le masque empâté justifie assez la ressemblance dont M m e Girard se réclamait. Un second portrait — encore une lithographie — donné, par le même journal, le 21 octobre suivant, montre M m e Girard assise en tenue d'apparat à son comptoir ; à droite et à gauche, deux de ses fils sont debout, en fracs serrés à la taille et en culottes courtes. A gauche, au premier plan, se tiennent deux laquais en grande livrée, les bras croisés " • Au-dessous, ce quatrain qui sent vraiment bien la réclame : Du Pavillon Girard voici la Souveraine Aux grands cheveux ébourrifes (sic), Chacun, en contemplant, au comptoir, cette Reine, Doit s'écrier : « Voilà la Crème des Cafés! ». La « Causerie » de ce numéro est consacrée à « la moderne Pompadour », à ses « pages » et à ses « valets ». Le 9 décembre, toujours dans VEntr'acte, décidément conquis aux Girard, un article a pour titre : « La Reine des Tilleuls menacée d'une concurrence ». On y lit notamment : « La célèbre Madame Girard est à peine assise sur le trône des Tilleuls que déjà l'envie cherche à l'en faire descendre. Une obscure coalition se forme... (Mais) la Sémiramis moderne n'est point une poupée qu'on puisse enlever entre ses dix doigts. Elle est de taille à résister à l'orage, et c'est surtout d'elle que l'on peut dire : « Ne touchez pas à la Reine ! ». Non point qu'elle soit d'humeur farouche, comme la Baby- 11. On peut attribuer sûrement à Gilbert Randon ce dessin, signé de deux initiales illisibles.